Après son inoubliable « Helsingor, château d’Hamlet », joué dans un espace étonnant du Vème arrondissement, il investit les jardins du Palais-Royal pour une version « immersive » de « Mesure pour mesure ». Ils sont dix-huit, musiciens, comédiens, avec lui, bien sûr, et on les suit, ravis.
On avait choisi le vendredi 11 juillet. Lendemain de la première. La météo annonçait un temps radieux sur Paris. Il arrive que les prévisions soient contredites. Ce soir là, il pleuvait à grosses gouttes orageuses sur la ville et il plut ainsi, plus ou moins violemment, jusqu’à la fin du spectacle.
Le public était préparé : vêtements imperméables, parapluies, chaussures de marche. Chaque représentation accueille cent cinquante personnes. Personne ne s’est éclipsé durant ce voyage parfois déroutant. C’est de Mesure pour mesure que s’inspire Léonard Matton. Une pièce qui entremêle plusieurs intrigues en noeuds assez complexes.
A l’entrée du Palais-Royal, côté colonnes de Buren, on est accueilli par des jeunes femmes qui participeront à la représentation. Il faut laisser son portable en consigne, ainsi que c’était le cas pour Helsingor. Ici, en plus, on met un masque. Il y en a des noirs, des dorés, des argentés.
En attendant que tout le monde ait accompli ses formalités, on peut lire des panneaux. Le spectacle s’intitule Le Fléau. Il s’est dessiné au moment du covid et des restrictions d’allées et venues. On serait dans une cité touchée durement par une épidémie de peste. Théâtres et cabarets sont fermés, les maisons se protègent derrière portes et volets clos. Le Duc, Vincentio a quitté la ville et confié le pouvoir à son ministre Angelo, modèle de vertu.
Que va-t-il se passer ?
Côté spectateurs, trois groupes vont suivre chacun un ou une guide et aller d’une scène à l’autre. Pas d’obligation rigoureuse et bien sûr l’on peut glisser d’un lieu à l’autre, au risque de perdre le fil, d’intrigues de toutes manières très compliquées…Paradoxalement, le jeu est d’autant plus important, qui nous saisit immédiatement et les comédiens, musiciens, chanteurs, réunis sur un plateau qui est celui des colonnes de Buren et un peu au-delà, jusqu’à la sculpture de Pol Bury et aux colonnades du bâtiment magnifique ceintes de grilles, sous les fenêtres du ministère de la Culture, du Conseil d’Etat, de la Comédie-Française.
Jamais l’oeuvre de Daniel Buren n’a aussi bien porté son nom de « plateau »…. Dans les parties sous les grilles, l’eau est envahie: on se croirait au-dessus d’un champ d’algues vertes…
On est vraiment admiratif devant l’engagement des artistes, dans leurs très beaux costumes. Ce jour de pluie, les filles étaient particulièrement touchées, avec leurs robes longues trempées, lourdes. Mais rien qui puisse amoindrir l’émotion, la justesse des prises de paroles, des échanges, des bagarres, des duels.
On croise Léonard Matton, metteur en scène qui veille à tout…Avec Camille Delpech qui signe la dramaturgie, il réussit ce pari difficile de « raconter » Mesure pour mesure en nous précipitant dans l’oeuvre de Shakespeare. On imagine bien le très long chemin qu’il a fallu accomplir pour obtenir les autorisations et mettre au point le spectacle, son déroulement, dans ce lieu si magique qu’est le Palais-Royal.
On peut d’approcher des protagonistes, entrer littéralement dans les scènes…A la fin, tout le monde se rejoint, interprètes et spectateurs, pour le dénouement particulièrement bien mis en scène et émouvant. Adultes comme adolescents et enfants font un triomphe aux vaillants artistes. Ne manquez pas ce voyage.
Domaine national du Palais-Royal, jusqu’au 27 août. Durée : 1h40 environ. A 20h00. Tous renseignements et inscriptions :
www.emersionprod.com/le-fleau
Les représentations du spectacle ont eu lieu et auront lieu les :
10, 11, 12, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 25, 26 et 27 août 2023