Leur création « Saturne » n’a été présentée que trois fois à Paris. Mais le spectacle est en tournée. Quatre interprètes pour un texte de Noëmie Ksicova écrit en collaboration et mis en scène avec Cécile Pericone.
On ne raterait pour rien au monde une création de la Compagnie de L’Oiseau Mouche. Basée à Roubaix, elle réunit, comme on le dit pudiquement « des artistes en situation de handicap ». Mental, mais aussi, pour certains, physique. La dernière fois que l’on avait applaudi certains de ses membres, c’était dans un spectacle ultra coloré, vif, drôle, dans la Chapelle des Pénitents Blancs d’Avignon (voir ce blog en juillet 2021). Cela s’intitulait « Bouger les lignes », un texte de Nicolas Doutey, une scénographie merveilleuse de Paul Cox et le regard aimant de Bérangère Vantusso pour diriger Mathieu Breuvart, Caroline Leman, Florian Spiry, Nicolas Van Brabandt.
Avec « Saturne », le titre l’indique clairement, nous pénétrons dans un monde beaucoup plus sombre, même s’il y a de l’esprit, de la camaraderie, de la joie et une perfection dans le jeu.
On rappelle ici que Cronos (Saturne, son nom romain, père de Zeus), dévorait ses enfants. Un thème dur, cruel, dérangeant.
Que des comédiens de la compagnie L’Oiseau Mouche prennent en charge cette histoire est très impressionnant. Ils ont, au cours des années, de toutes manières, toujours affronté des objets littéraires parfois complexes, tels des textes de Valère Novarina…
Ils se relaient, se succèdent. Dans « Saturne », deux hommes et deux femmes : Frédéric Foulon et Clément Delliaux, Florence Decourcelle et Valérie Waroquier. Ajoutons un narrateur, lui aussi comédien de la compagnie, Jérôme Chaudière.
Des costumes en noir et blanc, un décor, quatre cubes, comme un jeu des quatre coins, dans les mêmes contrastes, un échiquier invisible (l’ensemble est signé Cécile Pericone), et des « personnages » qui sont un peu, parfois, comme sur un ring. Au cœur de l’argument, un jeune garçon, sac à dos de randonneur en quête de vérité, en quête de l’amour de sa mère, formidable.
C’est Clément Delliaux, qui est aussi danseur et sait chanter, qui l’incarne. Il est bouleversant et ses camarades également : un peu hors monde, vivant ayant largué toutes les amarres, Frédéric Foulon irradie sa poésie profonde. Florence Decourcelle, avec son visage bon, tout de générosité, est très touchante, comme Valérie Waroquier. Le narrateur, Jérôme Chaudière, tout en nuances et autorité, en même temps est parfait.
C’est du beau théâtre, professionnel et ouvert à tous. Rigoureux : les interprètes sont précis, dans un très beau rythme, à la fois « personnages » et artistes porteurs de leurs histoires personnelles.
C’est dans le cadre d’une opération de la Ville de Paris, « Festival Formes Olympiques » qu’a été présenté « Saturne », dans une mise en scène sobre et éloquente de Noëmie Ksicova et Cécile Pericone, avec l’appui, discret, subtil, efficace de la musique de Bruno Maman. Beaucoup d’exigence et de soin, beaucoup d’émotions.
Représentations les 3 et 4 septembre, au Théâtre de la Ville/ Espace Cardin. On donnera plus tard les dates de tournée.