Maria Schneider ou la grâce

Marilou Aussiloux et Théo Askolovitch, dans la merveilleuse entente de camarades de travail, de scène, offrent au public de la petite salle de l’Athénée, une évocation très personnelle de la comédienne sensible et blessée.

On ne vous racontera pas tout, ici. On ne détaillera pas la manière qu’ont choisie les deux amis de théâtre que sont Théo Askolovitch et Marilou Aussilloux pour évoquer Maria Schneider, pour expliquer en quoi Marilou Aussilloux se sent liée à cette femme bouleversante qu’est Maria Schneider.

Ils jouent sur le vrai-faux, puisqu’elle, Marilou Aussiloloux, apparaît, charmante, charmeuse, et prétend que l’on est à la dernière répétition et qu’elle va tester des propositions. Elle explique. Elle nous parle tout de suite de Maria Schneider et le spectacle s’intitule : Seule comme Maria.

Une chose dit tout, d’entrée. Un extrait d’interview qui nous offre le visage d’une beauté bouleversante, évidente, simple, d’une toute jeune fille aux cheveux bouclés, au visage d’une pureté angélique. Elle a une voix douce mais ferme. Elle fume. Ses mains sont expressives. Son regard sombre darde une intense lumière. Elle répond aux questions d’une femme que l’on entend fugitivement et que l’on pense être Anne Andreu. On comprend en tout cas que Maria Schneider, en ce moment là, se sent en confiance. Ce serait peut-être une séquence de « Cinéma Cinéma », il y a bien des années. Ce n’est peut-être pas cela, mais on n’a pas pris la peine de poser des questions aux artistes qui ont composé cette étrange et émouvante célébration.

Marilou Aussilloux, qui a écrit avec Théo Askolovitch et met en scène avec lui, est au pays des fantômes, et le sait. Grenier de l’Athénée, chez Bébé, Christian Bérard. Chez un poète. Un lieu idéal pour faire tourner, sinon les tables, au moins les coeurs. Dans le théâtre, des plaques rappellent que Louis Jouvet est mort ici même, le 16 août 1951.

Marilou est sensible aux signes et elle va en souligner quelques uns. On se laisse happer. Sans doute, ceux qui ont connu Maria Schneider, aimeraient que l’on s’arrache un peu à la violence de Bertolucci et Brando. Elle a eu le courage d’aller bien plus loin. Elle a fait des films forts, avec de grands cinéaste. Le rôle de l’homme du Dernier tango avait été proposé à Trintignant. La jeune fille était un jeune garçon. Marie Trintignant, qui était la douce lampe de son père, lui dit de ne pas accepter ce film, ce rôle. Un très beau Marlon Brando de 50 ans le remplaça. Maria, elle, n’était pas même majeure.

Tout est moche dans l’idée de deux mecs, deux prédateurs, d’alourdir une scène déjà lourde. Marilou rappelle tout, sans commentaire.

N’en disons pas plus. On n’oublie pas, et les deux scénaristes le rappellent, que la seule personne qui soutint Maria Schneider, dès ses avant débuts, fut une Brigitte Bardot de 33 ans, dans la splendeur de sa beauté et l’éblouissement de sa carrière, qui accueillit Maria chez elle. Des années plus tard, et disons-le, c’est elle qui veilla sur la jeune femme détruite et veilla à ses obsèques et les prit en charge, spirituellement et matériellement.

Tout cela ne dure qu’une heure et cinq minutes. On en voudrait plus. Marilou Aussilloux parle d’elle-même et c’est très touchant. Une belle personne. Il faut qu’elle prononce sans coquetterie le nom de Maria Schneider et qu’elle se méfie des moments où elle chuchote dans un micro : cela écrase la diction et son joli timbre.

Théo Askolovitch possède un très beau sens du théâtre, de l’écriture, de la mise en scène, du jeu. Les autres artisans spirituels de ce spectacle sont Jules Bonnel pour la vidéo, Antoine Reibre pour le son, Nicolas Borde pour la lumière. Et d’autres encore. Un bijou de travail, très personnel, inscrit dans un cycle de l’Athénée, la Saison Prémisses. Une pépite.

Salle Christian-Bérard de l’Athénée, Théâtre Louis-Jouvet, à 20h30 du mardi au samedi et le dimanche 19 janvier à 16h30. Durée : 1h05. Jusqu’au 1er février. Tél ; 01 53 05 19 19.

www.athenee-theatre.com

Texte aux éditions Esse que.