Marie-José Nat, la finesse et la grâce

La comédienne s’est éteinte jeudi après-midi, à Paris, après s’être battu contre la maladie. Elle avait 79 ans.

Jean-Claude Pascal lui avait trouvé son nom, Jean Gabin avait présidé à ses grands débuts dans Rue des Prairies un merveilleux film de Denys de la Patellière dans lequel elle avait pour partenaire Roger Dumas. Ils jouaient les enfants de Gabin. Ils s’épousèrent. Jean Bouquin avait fait la robe de la mariée…Mais un an plus tard les tourtereaux divorçaient…

Dans « Elise ou la vraie vie ». DR

Marie-José Nat avait trouvé l’amour et la paix en épousant, sur le tard de sa vie, en 2005, le peintre, romancier, dramaturge, auteur de chansons, Serge Rezvani. Ils étaient heureux et partageaient leur vie entre la Corse et Paris. Mais depuis quelques années, toujours ravissante avec son minois de chat, sa voix parfois un peu voilée, ses yeux sombres, d’un noir profond éclairé de bonté, de malice, avec son sourire merveilleux, Marie-José Nat avait dû se battre contre un cancer. Dignement. Sans jamais se plaindre.

Elle s’est éteinte jeudi après-midi, à Paris.

Elle avait eu le prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1974 pour Les Violons du bal, film de son deuxième mari, Michel Drach. Au théâtre, au cinéma, à la télévision, elle aura été une comédienne douce, ultra-féminine, fine. Le cinéma français s’est beaucoup appuyé sur sa personnalité tendre dans les années 60-80.

Elle était à part. Elle était née le 22 avril 1940 à Bonifacio. Son père était Harki, Kabyle Algérien engagé dans l’armée française. Sa mère était bergère. Elle grandit à Ajaccio.

Son père est dur. Elle se sauve en tentant un concours pour partager l’affiche d’un roman photo avec le beau Jean-Claude Pascal. Elle gagne. Elle joue donc dans L’Amour est un songe. Elle se nomme alors Marie-Josée Benhalassa. Il lui faut un nom de scène. Elle a de longues tresses brunes : « Désormais tu t’appelleras Nat ! » lui dit son partenaire. Elle n’a que quinze ans. Des années plus tard, elle fera de cette injonction le titre de rebond de son livre de souvenirs publié en 2004.Je n’ai pas oublié (Plon).

Elle entre au cours Simon, décroche de petits rôles dans quelques films et enchaîne après 1959 et Rue des Prairies avec un sketch de René Clair dans le film La Francaise et l’amour aux côté de Claude Rich et Yves Robert. Immédiatement la belle brune est engagée dans La Vérité d’Henri-Georges Clouzot. Elle est la rivale de Brigitte Bardot auprès de Sami Frey.

Michel Drach, qu’elle a épousé et avec qui elle a eu trois fils, la fait figurer dans tous ses films, quinze ans durant, de 1961 à 1977. Citons Amélie ou le Temps d’aimer, La Bonne occase, Safari diamants.

Dans Elise ou la vraie vie, en 1969 elle incarne une jeune bordelaise qui, à Paris, s’éprend d’un Algérien en pleine guerre d’Algérie : le livre, très beau, de Claire Etcherelli avait obtenu le prix Femina et fait grand bruit. Et Marie-José Nat y est bouleversante.

N’oublions pas Les Violons du bal, en 1974, qui lui vaut donc le prix d’interprétation à Cannes ou encore Le Passé simple. Ses partenaires l’apprécient sa finesse, sa beauté. Parmi eux, Jean Sorel, Jean-Louis Trintignant.

Dans chacun de ses films, elle sut défendre des personnages souvent blessés. Mais elle avait aussi un don pour la comédie et savait jouer la légèreté. Hossein, Astruc, Autant-Lara, Oury, Brialy, un de ses grands amis, Boisrond. Elle est aussi appelée par des réalisateurs étrangers. Une très belle carrière, vraiment.

Dans son long parcours retenons l’étonnant Litan de Jean-Pierre Mocky, film fantastique tourné dans le décor impressionnant d’une ville d’Ardèche, avec Marie-José Nat en jeune femme audacieuse, Nino Ferrer et Mocky lui-même. Le film date de 1980-81, est sortie en 82 : elle est d’une fraîcheur, d’une jeunesse merveilleuse.

A la télévision, son chemin est également très intéressant et divers. Le public l’aimait profondément et la respectait. Après Michel Drach, elle avait longtemps vécu avec Victor Lanoux et joué avec lui, notamment au théâtre dans Voisin Voisine, au Palais-Royal, en 1985 et 1986. Une mise en scène allègre de Pierre Mondy. Elle avait commencé dès 1958-59 avant d’être happée par le cinéma : Virage dangereux sous la direction de Raymond Rouleau, Blaise avec Jacques Mauclair. Elle joua aussi une pièce de Roger Vitrac sous la direction de Maurice Jacquemont avec Bernard Noël, en 1966. Médor, une comédie singulière.

Puis son cher Jean-Claude Brialy l’entraîna avec lui dans Désiré de Sacha Guitry en compagnie de leur amie Bernadette Lafont. C’était à Edouard VII. Enfin, en 1990, elle créa la pièce de Jeannine Worms, Avec ou sans arbres, en compagnie d’Henri Garcin.

Marie-José Nat était profondément croyante et avait préparé son départ. Elle sera enterrée auprès de sa mère, en Corse. On ne l’oubliera pas.

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