Matthieu Lemeunier, artiste-orchestre

A La Flèche, il donne vie à un scénario presque sans paroles qu’il a mis au point avec son ami de vingt ans, Alexandre Philip. Dans tes rêves ! est un spectacle étourdissant.

Un homme seul. Seul sur le plateau de La Flèche. A proximité des spectateurs. Seul, accompagné des lumières d’Anne-Laurence Badin, et suivant la mise en scène d’Alexandre Philip, l’un des acteurs de la série Machine, actuellement diffusée sur Arte ou encore de Marianne, de Balle perdue. Alexandre Philip écrit des scénarios, réalise (Handicops). Il est un metteur en scène qui sait qu’il peut demander et rapidité et énergie à l’époustouflant Matthieu Lemeunier. Ensemble, ils ont écrit Dans tes rêves !

Une promenade dans les pensées et l’imagination délirante d’un personnage qu’incarne Matthieu Lemeunier. Sans aucun accessoire. Ou presque. Une heure durant, il est cet homme qui se bat avec ses rêves, mais qui joue toutes les figures qui s’y présentent. Animaux, humains, objets…Il les joue de tout son corps et aussi de sa voix, sans tenir en place. Une heure durant, il court, il vole, il traverse le plateau, il se plie, se déplie, se ploie, se casse, prend des airs, saute. Il mime toutes ses aventures et l’on comprend tout. Il est la bande-son du spectacle. Souffle et sifflements, borborygmes et autres gazouillis, émissions sonores dont on ne comprend pas d’où elles naissent, bruitages, soupirs, chuchotis, cris, chant montant jusqu’aux sommets lyriques, tout est convoqué. On saisit ses regards, ses mimiques : son visage, cadré par une barbe taillée de près, cheveux courts, regard ferme et tendre, est tout aussi expressif que son corps. Le « personnage » ne parle presque pas, il nous observe parfois, nous prend à témoins sans un mot. Et l’on comprend tout, bousculé que l’on est d’aventure en aventure, précipité que l’on est dans ces rêves, ces bouffées de cauchemars, ces angoisses, ces paniques.

On sourit tout le temps, et l’on rit énormément. Qui résisterait à un talent aussi formidable, aussi rare ! Comment fait-il pour exécuter cette danse hallucinante, d’une précision rigoureuse, d’une fluidité fascinante, et toujours accompagnée des prouesses de sa voix, comment fait-il pour ne même pas donner le sentiment du moindre essoufflement, à la fin, aux saluts ?

Avouons-le, on ne connaissait pas Matthieu Lemeunier, et pourtant, puisqu’il a travaillé avec Olivier Py, on l’a sans doute déjà vu !  Alexandre Philip, et lui, se sont connus il y a vingt ans au Conservatoire de Tours. L’un est donc plutôt du côté de l’écriture. L’autre est un athlète des plateaux qui s’était frotté aux difficiles défis des (bonnes) improvisations et est passé par l’Erac, l’école de Cannes, en 2005, travaillant tous les registres de la comédie, de l’art dramatique. On peut prendre la mesure de sa forte personnalité dans certains sketches de Groland et dans des réalisations de Samuel Bodin. La compagnie qui les accompagne à La Fièche, leur compagnie sans doute, s’intitule « Elucubrations tragi-comiques (etc) ». Tout un programme !

Il faut courir les applaudir et donner à ce moment exceptionnel la large audience qu’il mérite !

Théâtre La Flèche, 77 rue de Charonne, 75011 Paris. Chaque jeudi à 19h00, jusqu’au 6 juin 2024. Durée : 1h00. Tél : 01 40 09 70 40. info@theatrelafleche.fr