François Rancillac crée Hermann de Gilles Granouillet. Une fable touchante pour laquelle une tournée est prévue.
François Rancillac et Gilles Granouillet, c’est une longue histoire : un metteur en scène qui depuis plus de quinze ans revient à une dramaturgie qui le séduit, un metteur en scène qui aura beaucoup fait pour affermir l’art d’un écrivain.
Hermann est en effet la sixième pièce de Gilles Granouillet met en scène. Après Le Saut de l’ange en 2004, Zoom en 2009, Nager/Cueillir en 2013, Ma mère qui chantait sur un phare, la même année et enfin Poucet, pour les grands, cette année
Un compagnonnage, une entente au long cours, une complicité. Une harmonie : c’est souvent le plus frappant dans les traductions scéniques imaginées par François Rancillac.
Il s’appuie sur des artistes qu’il connaît bien. Jérôme Aubert pour la régie, Sébastien Quencez pour la musique et le son. Il y a toujours une atmosphère, des humeurs de jeu et des options de représentation qui ont un lien, qui forment un manifeste personnel.
Ici, une fable. Une histoire dans laquelle se laisser porter. Hermann, du nom du « héros » qu’incarne Clément Proust, jeune homme, homme de combat sinon de guerre, peu saisissable, on le verra…
Et pourtant tout commence par un éveil de la mémoire. Léa Paule, neurologue, reconnaît la voix d’une personne qu’elle a connue autrefois. C’est Hermann. Retour en arrière après cette première scène énigmatique, onirique. Treize ans plus tôt. Elle avait 29 ans. Elle en a 42. Elle a deux enfants… C’est Claudine Charreyre qui est Léa, artiste elle aussi familière de l’univers de François Rancillac.
Que s’est-il passé autrefois ? Que se passe-t-il aujourd’hui ? Un autre homme, cardiologue qui a croisé le chemin de Léa. Daniel Kenigsberg, forte présence, est …Daniel Streiberg.
Une autre femme, Olia, l’épouse russe, est un élément essentiel, elle nourrit le mystère et nous mène sur des chemins plus ou moins sûrs. Lenka Luptakova prête sa silhouette et son art du suspens à cette étrangère qui fait peut-être le lien avec Boris Hermann dont on dit qu’il est russe…
Contraction du temps, contradictions des dévoilements successifs, tout ce qui est donné pour sûr se dilue, s’évapore. Complexité des espaces, des voyages, des allers-retours. Un seul point fixe, en fait, la neurologie. Le cerveau, ce continent indomptable.
François Rancillac imprime un mouvement ferme et vif à la représentation. On peut regretter les micros qui écrasent le grain des voix.
Scénographie, lumières de Guillaume Tesson, costumes de Sabine Siegwalt, déplacements des personnages, tout glisse de clarté à obscurité, de compréhension limpide, à résistance à l’entendement.
Il faut accepter. Le quatuor est très bien accordé. Quatre personnalités intéressantes, qui nuancent et s’entendent. Claudine Charreyre, avec sa sensibilité profonde et sa luminosité, Lenka Luptakova avec son autorité et ses irisations, Clément Proust avec son charme et sa manière d’échapper, Daniel Kenigsberg avec cette présence tout en délicats détails.
Bref, que ce spectacle vive ! Que les théâtres rouvrent enfin !
Ce spectacle a été vu au Théâtre des 2 Rives, à Charenton, le 5 mars dernier devant un public de professionnels. Il avait également été donné les deux jours précédents.
Normalement la tournée devait conduire le spectacle les 25 et 26 mars à Chambon Feugerolles, le 7 avril à la Maison des Arts du Léman (Thonon-Evian), le 13 avril à Franconville, le 15 avril à Bagneux, le 6 mai à Vélizy-Villacoublay. En attendant la saison 21-22.
« Hermann » a été publié par L’Avant-scène théâtre, collection Quatre Vents. Les textes de Gilles Granouillet sont également publiés par Actes Sud-Papiers, Lansman.