Un auteur que l’on ne connaît pas encore bien, tout comme le metteur en scène. Et six comédiens très convaincants. Un spectacle très intéressant.
C’est étrange, le théâtre. Si l’on s’en tenait aux déclarations d’intention du metteur en scène, Arnaud Raboutet, et l’analyse qu’il fait de la pièce, Métropole, de Vincent Farasse, on n’aurait sans doute pas eu envie de découvrir ce travail. Pourquoi ? Parce que si l’on en croit ces analyses, on serait face à une évocation « du phénomène de métropolisation ».
Or, on peut recevoir ce spectacle pour le plaisir de suivre les parcours entremêlés de plusieurs personnages, trois jeunes femmes, deux hommes de leur génération, un aîné. On peut se laisser happer, d’entrée, par le suspens soutenu de l’écriture, par le mouvement, induit par le texte et très bien mis en mouvement par la mise en scène. Et par le charme, le talent des interprètes.
C’est ainsi que nous l’avons pris, et apprécié profondément. L’écriture de Vincent Farasse est très vive et économe d’effets. Il nous met face à une série de questionnements, se gardant bien d’explications, n’étaient les didascalies qui indiquent les changements de lieu.
Ce que réussit Arnaud Raboutet, c’est d’inscrire tout cela dans un lieu unique, le plateau tout nu : une paroi derrière laquelle disparaissent parfois les personnages, et des banquettes devant, sur lesquelles ils s’installent, parfois tous ensemble. L’aîné, un moment est assis sur le côté du plateau, dans la pénombre.
Musique originale de Gary Olivier, lumière d’Antoine Longere, costumes de Constance Bello, tout ici ajoute au sentiment de vérité des personnages. Ajoutons les vidéos mouvantes de Laetitia Bornes. Elles sont peu lisibles –mais c’est exprès : on croit voir des organes qui palpitent, de l’eau qui clapote ou des nuages… Et peut-être qu’il ne s’agit pas du tout de cela.
Un ensemble bien pensé, harmonieux. L’essentiel est le jeu. On retrouve avec un grand plaisir Daniel Berlioux dans la partition de l’aîné. Il est le lien car il est le riche papa d’une des jeunes femmes et qu’il tombe sous le charme d’une autre, traductrice qui vit en dansant dans une boîte de rencontres furtives.
Le rôle de Xavier, séducteur et sans doute mythomane, appelle une versatilité, des changements d’humeur que Daniel Berlioux excelle à dessiner. Sa fille, Liane, est la ravissante Camille Gélin, vive, elle rêve d’un grand projet d’éducation artistique pour jeunes défavorisés. Elle a repéré un terrain formidable sur le plateau de Saclay ! Voici « le grand Paris ». Mais elle a besoin de l’argent paternel…
Elle vit avec un jeune homme d’origine modeste, mais très bon étudiant en médecine, qui travaille par ailleurs. Mehdi, Massyl Boudib, possède une personnalité touchante. Le personnage est le petit frère de Latifa, Elisa Hartel, qui vit au-dessus de la traductrice, Claire, Joséphine Thoby et de son ami, au chômage, William, Benoît Facerias…Le destin –le choix de l’écrivain, que l’on accepte de bonne grâce- veut que William trouve du travail chez Xavier…
Voyez-vous arriver le dénouement ? Une heure trente plus tard, sans que jamais le moindre sentiment de lassitude puisse vous saisir, tout rentrera dans l’ordre, si l’on peut dire… C’est vraiment grâce aux interprètes, pris dans cette chorégraphie souple de l’écriture et de la mise en scène. Chacun défend sa partition avec finesse et grâce. Berlioux, on l’a dit. Joséphine Thoby, danseuse autant que comédienne, est idéale. Voix bien placée, harmonie de tout l’être. Elisa Hartel donne à Latifa une autorité silencieuse et douce, une noblesse. Camille Gélin a beaucoup de charme et une très jolie présence. Massyl Boudib, donne émotion et vérité à l’étudiant vaillant et Benoît Facerias incarne jusqu’aux traits d’arrogance mâle de William. La première scène avec sa voisine qui se lève trop tôt est à cet égard bien éloquente.
Bien sûr chacun ici « représente » une figure d’un monde contemporain, parisien ou de banlieue parisienne. Mais le talent de l’équipe disloque tout aspect démonstratif. Une jeune équipe vraiment digne de nos admirations.
Théâtre de Belleville, à 19h00 le lundi, 21h15 le mardi, 20h00 le dimanche. Durée : 1h25. Tél : 01 48 06 72 34. Jusqu’au 29 mars.
Site : theatredebelleville.com
Texte publié par Actes Sud/Papiers