Journaliste, éprise d’expressions artistiques plurielles, attentive au monde et à ses cruautés, cette femme très intelligente et très curieuse des autres, s’est éteinte vendredi. Elle avait 91 ans.
Le journalisme est un artisanat. Il y a des maîtres. Ils ne portent pas le titre de compagnons du devoir, comme ceux qui font renaître Notre-Dame. Mais ils sont aussi talentueux, connaissant leur métier par l’expérience et l’exigence. Des modèles. Mais ils sont encore plus précieux que des femmes et des hommes que l’on admire. Ils transmettent.
Sans leçon, sans prétention, sans jamais se mettre en avant. Mais en prenant le temps de bavarder, de partager. Parfois des spectacles. Surtout des spectacles, il y a quelques années encore, Nicole Zand aimait aller dans les salles parisiennes. Au théâtre, à l’opéra, au concert. Comme elle allait au cinéma, curieuse de tout, gourmande de connaître les jeunes talents de son temps.
Nicole Zand s’est éteinte vendredi 23 février. On redoutait cette nouvelle. Elle avait un bel âge, 91 ans. Et longtemps son énergie, son intelligence, son goût du savoir, son amour des autres, sa curiosité du monde, l’avaient conduite à oublier tous les maux éventuels que l’on peut subir, lorsque l’on n’a plus vingt-cinq ans, pour aller dehors. Au dehors. A l’avant.
C’était une femme à la rencontre. Elle allait et en même temps, ouvrait la voie.
Le destin avait voulu que, lorsque son mari, Jacques Amalric, grand homme de savoir, de morale, journaliste très lu et profondément respecté, alors au Monde, s’était trouvé en poste aux Etats-Unis, on leur avait demandé d’être des vigies de la jeune création américaine. Le Bread and Puppet ? Le très précoce Robert Wilson ? C’est eux. Sans doute ces artistes n’auraient pas si tôt franchi l’Atlantique sans Jacques Amalric et Nicole Zand.
De Nancy à Avignon en passant par Paris, le Festival d’Automne, ces éveilleurs auront permis au public européen de découvrir le … Nouveau Monde. Parfois en se heurtant à des incompréhensions certaines, des responsables d’institutions, notamment.
Nicole Zand, une plume, une grande plume du Monde mais aussi une journaliste allant au cœur des événements, lucide, courageuse, détestant les fausses valeurs, l’hypocrisie, l’arrogance des puissants cyniques. Elle était critique littéraire, mais les poètes subvertissent les frontières. Et son regard s’exerçait sur tout ce qui peut concerner un être humain un peu sensible.
Faut-il en dire plus ? Elle admirait ses enfants et leurs proches. Elle adorait Jeanne Balibar, sa belle-fille pour toujours, mère de deux petits-enfants dont le père est Mathieu Amalric, son fils comédien, cinéaste, audacieux merveilleux. On pense aussi au reste de la famille, bien sûr, mais on ne veut pas être indiscret. On pense à ses origines. A ses horizons, aux échanges. Mais elle l’a raconté elle-même.
C’était juste peu de mots, pour saluer cette femme électrique, éclectique, un esprit libre, souvent très drôle, toujours sensible, une grande vivante qui nous quitte mais nous as transmis, par-delà l’exigence du journalisme, une manière de résister aux mensonges séduisants de nos mondes.