Olivier Py, opérette avec mélancolie

Pensé pour le jeune public, inspiré des frères Grimm, « L’Amour vainqueur » séduit les adultes. On y retrouve et la malice et la mélancolie de l’artiste. Ses dons multiples et ceux de Pierre-André Weitz s’y épanouissent.

Olivier Py a fait du souci du jeune public l’une de ses premières préoccupations. Il écrit et s’est souvent inspiré des contes des frères Grimm car il en apprécie la liberté et l’absence de conclusion morale de la plupart de leurs textes. Il les entend comme des contes initiatiques. S’il a conçu L’Amour vainqueur pour le jeune public, le spectacle est fort, puissant, dérangeant.
Tout adulte y reconnaîtra une interrogation profonde sur notre monde. Et les enfants ne sont pas dupes. Ils comprennent tout.
Il s’agit, avec L’Amour vainqueur, d’une opérette dont Olivier Py lui-même a composé la musique. Une opérette bien sombre qui n’est pas une stricte adaptation de Demoiselle Maleen. L’auteur-metteur en scène puise chez les Grimm une structure, un synopsis, en s’en détachant clairement.

De la même manière, Olivier Py compositeur, metteur en scène d’opéras, chanteur travesti de Miss Knife, emprunte ici et là. S’amuse de pastiches discrets, de citations espiègles, jusqu’à terminer en beauté avec Offenbach
Cette œuvre brève et dense, une heure et un peu plus, frappe par sa cohérence et la perfection de sa traduction scénique. L’histoire ? Une jeune fille qui a refusé d’obéir à son père, une jeune fille transie d’amour, est enfermée dans une tour. Sept années durant.
Lorsqu’elle sort enfin de cette prison sinistre, elle ne reconnaît plus rien du monde extérieur. Retrouvera-t-elle son amoureux ? Il s’imagine défiguré, il vit, visage dissimulé par un masque…Dans les parages, un général très méchant, un jardinier très imaginatif, d’autres figures, plus furtives.

Quatre comédiens qui chantent, bougent très bien, se prennent au jeu de la gravité du propos, par-delà les élans de la musique et du cœur. Ils se nomment Clémentine Bourgoin, Pierre Lebon, Flannan Obé, Antoni Sykopoulos.
Ils se meuvent dans un espace scénographique signé Pierre-André Weitz. Particulièrement harmonieux et efficace, avec des changements nombreux (dont des réutilisations d’images monumentales) ce décor est un véritable protagoniste. Ajoutez, de la main du même artiste, des costumes et des maquillages et les lumières de Bertrand Killy.
Cela donne un épatant objet théâtral, avec musique et belles voix audacieuses. Des interprètes de haut talent qui ne se prennent pas au sérieux mais s’engagent. Ils sont sincères :  la jeune première aux allures de Colombine, d’amoureuse de Peynet, vraie princesse, le Général furibard, le jardinier qui s’évapore et le fiancé neurasthénique, mais qui est prince, lui aussi. Et puis les autres…La « fille de vaisselle », le roi bien sûr.

On joue, on se dédouble, on se transforme. On s’amuse et parfois l’on sourit. On rit également, devant les comportements outranciers de certains.
Mais l’ouvrage est plus grave qu’enjoué, plus sombre que franchement joyeux. Cela ne fait pas peur aux enfants qui savent souvent mieux que nous comment va le monde…
Un objet mélancolique avec éclairs de joie.

Festival d’Avignon. Au Gymnase du lycée Mistral, à 15h00. 
Jusqu’au 13 juillet, relâche le 9. Durée : 1h00.
Une longue tournée suit à partir de novembre.
Texte publié par Actes Sud-Papiers.

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