Frêle et pudique, il incarne le père imaginé par Antonio Tarentino dans Vêpres de la Vierge bienheureuse, dans une mise en scène sobre et sensible de Jean-Yves Ruf.
C’est Olivier Cruveiller et Paul Minthe qui avaient fait connaître à Jean-Yves Ruf La Passion selon Jean d’Antonio Tarentino, texte traduit par Jean-Paul Manganaro et publié aux Solitaires Intempestifs. Ils créèrent le spectacle vers 2010. L’écrivain, d’abord connu comme plasticien, peintre, sculpteur, s’était mis tardivement à l’écriture dramatique. A plus de cinquante ans. Sa manière de transcrire, en d’étranges textes irrigués d’une culture chrétienne, mais puisant ses racines dans les vieux fonds mythologiques méditerranéens, sa passion pour les humbles, sa manière ferme d’affronter les réalités de la société, lui valurent une reconnaissance immédiate et de nombreux prix prestigieux. Les artistes et le public l’aimeront toujours. Né le 10 avril 1938, à Bolzano, dans le nord-est de l’Italie, Antonio Tarentino s’est éteint le 21 avril 2020. Partout célébré, traduit, il avait pourtant été rattrapé par la pauvreté, comme s’il avait rejoint ses « personnages » -mais il avait reçu une aide de l’Etat…
Un être à part, une âme forte. Aujourd’hui, on peut donc découvrir Vêpres de la Vierge bienheureuse. Dans la petite salle du Rond-Point, salle Roland-Topor, dans une proximité émouvante avec l’unique interprète, l’interprète unique qu’est Paul Minthe. Un banc et une urne funéraire. On comprend que l’homme, avec son pantalon qui plisse sur ses talons, son chapeau vissé sur la tête, attend le bus qui le ramènera vers la gare. L’urne est celle des cendres de son fils. Il avait fui sa famille. A Milan, il a basculé : travesti, prostitué, malheureux. Il a fini par se suicider.
Tardivement, son père se reprend. Il le comprend, il le célèbre. Dans le monologue de cet homme frêle comme un enfant, les voix de la mère, les voix des voisins, pointent parfois. Le texte est difficile parfois, à cause de ces ruptures peu marquées. Jean-Yves Ruf dirige avec tact, intelligence, tendresse, le comédien et donne à entendre ces étranges « vêpres ». Le père ne se justifie de rien. Il lui a fallu le temps de la séparation pour comprendre son enfant. A la fin, il lui donne des conseils. Surtout ne pas se séparer de sa belle robe rouge, ni de ses cothurnes : ainsi sera-t-il accepté dans l’au-delà. Celui des Grecs. Car c’est là qu’il a sa place, une fois traversé le Styx redoutable…
La ferveur contenue, la voix tendre, la douceur et la grâce de Paul Minthe, sont magnifiques. Tout, ici, bouleverse. Mais sans démonstration aucune. Un art très fin préside à la représentation.
Théâtre du Rond-Point, à 20h30 du mardi au samedi, dimanche à 15h30. Durée : 1h15. Jusqu’au 30 octobre. Tél : 01 44 95 98 21. Texte aux Solitaires Intempestifs.