Au Studio Hébertot, deux pièces de l’auteur sont à l’affiche. « Mauvaise petite fille blonde » et « Moi aussi je suis Barbara ».
Mon premier est un conte cruel. Histoire d’une petite fille qui est accusée à tort d’avoir fait exprès de cogner la coupelle d’une mendiante. Pour se venger, elle prendra désormais un certain plaisir à mettre des coups dans les coupelles…Est-ce ainsi que l’on devient méchante ? Peut-être…si l’on en croit « Mauvaise petite fille blonde ». Un conte, donc, qui, mis en scène par Pierre Notte lui-même, redouble de force parce qu’il est interprété par un homme. Un très excellent comédien, baskets rouges aux pieds, tutu, torse nu, il a tout d’une chimérique créature. Antonio Interlandi est remarquable, dans le costume imaginé par Alain Blanchot, et si l’on a une seconde de difficulté à « accommoder » comme on dit pour la vision, on accepte ce parti pris avec d’autant plus de facilité qu’il y a là, par-delà la férocité de Pierre Notte, une apparition poétique qui charme et donne plus de force encore au destin de cette « mauvaise » petite fille, dans les belles lumières d’Antonio de Carvalho.
Ce spectacle-là, nous l’avions vu il y a quelques mois, à l’orée du festival d’Avignon 2021. Il a connu un grand succès et avait été repris. On ne peut qu’être heureux de cette nouvelle série de représentations d’autant que le spectacle se donne dans ce même Studio Hébertot qui accueille une autre création de Pierre Notte.
« Moi aussi je suis Barbara » rappelle évidemment à ceux et celles qui suivent le parcours d’écrivain de Pierre Notte ce « Moi aussi je suis Catherine Deneuve » qui nous avait interpellés il y a déjà pas mal d’années…C’était en 2005, à la Pépinière…En 2006, trois nominations aux « Molières » et le prix du meilleur spectacle de théâtre privé.
Si l’on en croit les informations, ce spectacle a été créé en 2018 à Avignon et est parti en tournée en 2019. Aujourd’hui, il est installé dans le chaleureux Studio Hébertot que dirigent Bérengère Dautun et Sylvia Roux. Une jeune femme très douée a demandé à Pierre Notte l’autorisation d’un transfert : l’héroïne de la pièce se nomme Geneviève. Elle échappe au quotidien un peu toxique de sa famille. Une mère énervée, un frère mutique, une sœur qui se scarifie, et pas de père. Pas gai, le monde de Pierre Notte.
Pauline Chagne a une bonne raison de vouloir qu’il soit question de Barbara. Moins grande que la longue dame brune, elle lui ressemble pourtant et la chante d’une manière profondément troublante. On retrouve les personnages dérangeants qu’aime Pierre Notte : le fils, Jimmy Brégy, la fille tailladée, Marie Nègre, sensible et juste, la mère, la formidable Flore Lefebvre des Noëttes, une interprète exceptionnelle et qui a elle-même écrit sur sa famille et sait quelque chose des folies domestiques… Chantal Trichet joue également ce rôle, en alternance.
Pianiste et arrangeur, Clément Walker Viry a su garder l’essence spirituelle des chansons de Barbara. Jean-Charles Mouveaux met en scène avec ce qu’il faut de fantaisie pour que l’on ne soit pas plombé par les scènes violentes qui se succèdent.
L’essentiel repose ici sur l’identification de Pauline Chagne à Barbara. Elle explique être « tombée en amour » lorsqu’elle était adolescente. Ce qui n’est pas exceptionnel…Mais toutes les jeunes, tous les jeunes qui se sont reconnus dans les chansons, dans les mélodies, dans la voix de cette artiste magicienne, ne sont pas allés aussi loin que Pauline Chagne. Elle a étudié les gestes, les postures, elle reprend ses costumes, ses lunettes et surtout elle la chante magistralement…Mais elle ne cherche pas la copie conforme, elle ne veut pas être le sosie vocal de Barbara. Elle la célèbre.
Le danger est évidemment de tirer la pièce vers un récital. Il y a de nombreuses chansons qui se succèdent, et une douzaine sont interprétées par Pauline Chagne. Mais l’esprit de Pierre Notte, l’intelligence de la mise en scène, la qualité des comédiens et de l’arrangeur, arrachent la représentation à cette tentation de copie…Un spectacle original et frémissant de talents au pluriel.
Studio Hébertot, « Mauvaise petite fille blonde », à 19h00 les jeudi, vendredi, samedi. Durée : 1h10. Jusqu’au 8 avril. « Moi aussi je suis Barbara », du jeudi au samedi à 21h00, dimanche à 15h00. Durée : 1h15. Relâche ce dimanche 1er janvier. Jusqu’au 2 avril. Tél : 01 42 93 13 04.