Au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Sophie Bricaire met en scène son adaptation du livre de Carlo Collodi, dirigeant cinq interprètes formidables. Mais pourquoi parler au féminin du fils de Gepetto ?
C’est un spectacle très joli, très séduisant. Dans le cadre protecteur du Studio-Théâtre de la Comédie-Française, on découvre un décor léger et complexe à la fois. Une structure qui associe un gril auquel sont suspendus des masques, des objets, ds ballons, une ménagerie, une quincaillerie, comme s’il s’agissait d’un mobile de chambre d’enfant, mais en grand. Sur les côtés pendent les filins avec leurs poids, pour manipuler de bas en haut ces objets. on vous laisse découvrir les autres éléments. L’ensemble est imaginé par Philippine Ordinaire.
Les costumes, très soignés d’Alex Costantino ajoutent au charme surligné par les lumières de Jeanne Guillot et le son de Madame Miniature (mme miniature est-il désormais écrit). On découvre avec bonheur Gepetto, Alain Lenglet, Pinocchio, Claïna Clavaron, toute de rouge sanglée, Françoise Gillard, la Fée et Arlequin, Thierry Godard, entre autres rôles, le Renard, le Policier, et Elissa Alloula qui est le Chat, le Juge, Mangefeu, nhjj&²le montreur de marionnettes, entre autres personnages…Ils sont tous très bons. Sur le fil des apparitions,, d’une scène à l’autre, d’une partition à l’autre.
L »adaptation de la metteuse en scène, Sophie Bricaire est très particulière. Elle règle en quelques phrases, à la fin, l’épisode des retrouvailles du père et du fils, et autres, en développant certains. Jiminy Cricket, le grillon qui parle, est effacé.
Chacun, on l’a dit, est remarquable. Chacun, chacune, est d’une finesse et d’une expressivité qui enchantent et touchent. On passe un moment délicieux, plein de délicatesse, de fantaisie, de chants espiègles, de mouvements harmonieux.
Reste que l’on a buté sur un fait : on parle de Pinocchio au féminin. On a souvent vu le pantin dont le nez s’allonge s’il ment, incarné par des jeunes femmes; Et Claïna Clavaron a beaucoup de personnalité et de mobilité, de présence, de précision dans le jeu, tout en étant une jeune comédienne irradiant une poésie scintillante. Mais pourquoi ce féminin ?
On ne comprend pas. Dans un entretien réalisé par le sagace Muhleisen, directeur littéraire de la Comédie-Française, alors qu’il demande à la metteuse en scène quels sont « les principes et les enjeux » qui ont présidé à l’adaptation, Sophie Bricaire répond notamment : « Pinocchio, dans nos imaginaires hérités d’une tradition d’ouvrages pour la jeunesse, est une créature qui ne rêve que de devenir un petit garçon. Or, j’ai souhaité confier ce rôle à une comédienne pour dépasser la question du genre et élargir le champ des possibles : à travers un parcours semé d’embûches, en contrariant tous les conseils, toutes les instructions qu’on lui donne, Pinocchio va-pour définir son propre chemin- se découvrir par elle-même et choisir de revenir à Gepetto. La figure paternelle, dès lors, ne lui est plus imposée. » C’est nous qui soulignons le « elle-même »….
Cette luxation du sens renvoie au titre qu’a choisi Sophie Bricaire : « Pinocchio Créature ». Carlo Collodi lui avait choisi : Le avventure di Pinocchio, Storie di un Burattino. Un pantin.
Studio-Théâtre de la Comédie-Française, à 18h30 du mercredi au dimanche. Durée : 1h10. Tél : 01 44 58 15 15.
Réservations : comedie-francaise.fr
Jusqu’au 29 juin.