Metteurs en scène, ils ont choisi chacun une nouvelle et s’appuient sur cinq comédiens pour un spectacle intitulé Kaïros, ou les destins personnels.
Ils se nomment Fabian Chappuis, Quentin Defalt, Justine Heynemann, Sophie Lecarpentier. Ordre alphabétique. On connaît cette bande des quatre. Quatre talents certains, éprouvés, prouvés par leurs mises en scène, leur engagement total dans le monde du théâtre.
Colette Nucci les avait invités à proposer ce spectacle plaisant dans lequel, si chacun a choisi un texte et le met en scène, chacun est aussi sur plusieurs postes.
Ainsi Quentin Defalt signe-t-il les lumières, Fabian Chappuis a-t-il conçu l’espace général, Sophie Lecarpentier s’est occupée des accessoires et des patines. Quant à Camille Timmermann, qui joue sous la direction de Justine Heynemann, elle a composé la musique.
Les autres comédiens sont Frédéric Cherboeuf, Anne Coutureau, Alexandrine Serre, Benjamin Wangermée. Eux sont également bien repérés pour leurs sûrs talents.
Et « Kaïros », cela signifie quoi ? Disons « le moment opportun ».
Quatre volets donc, avec, en ouverture, le très impressionnant Benjamin Wangermée dans une adaptation d’un texte d’Heinrich Böll : Voyageur, si tu arrives à Sparte… Un texte édité par L’Arche mais dont le traducteur n’est pas nommé dans le dossier, dommage. Un homme en suspension, en quelque sorte, un homme entre terre et envol, entre vie et mort. Un soldat blessé qui est évacué vers un hôpital et va être opéré. On écoute, happé, son monologue, son monologue intérieur d’homme très jeune dont la conscience n’est plus tout à fait claire et qui, pourtant, va faire un chemin. Une scénographie du metteur en scène, Fabian Chappuis, épaulé par Alice Delva qui a mis au point le système de suspension et les mouvements. La maîtrise du prix Nobel, son obsession de la guerre, prend ici toute sa force. Fin de la dernière guerre, mais universalité de l’atroce tourmente, de l’épouvantable torture de la destruction obligée.
Ensuite vient Le Destin personnel d’Elsa Triolet, adapté par Olivier Waibel. Une interprète principale, Anne Coutureau, elle-même auteure et metteuse en scène, et les trois autres, comme des voix dans la nuit. La situation ? Encore la seconde guerre mondiale. Une femme a quitté Paris pour la Zone Libre et pour rejoindre Margot et Jean-Claude, un couple d’amis…Une fois encore, le personnage est arraché au quotidien et transporté dans le temps, du côté des regrets, des ratages, mais ce personnage combat et s’assume au présent, dans une forme de liberté et d’avènement de soi. L’autorité d’Anne Coutureau comme sa sensibilité profonde servent à merveille le propos de Quentin Defalt.
Troisième volet, Alice et Antoine, d’après Faire suivre, texte d’une auteure contemporaine, Annie Saumont. Sophie Lecarpentier l’a choisie et parle de son travail : elle signe tout, adaptation, scénographie, costumes, mise en scène. Sur le plateau, plancher et moquette défraîchie, intérieur d’une maison ou ponton extérieur, voire radeau, deux êtres s’élèvent en volutes à partir de la vie d’une autre. Le regard puissant et tendre de la metteuse en scène, la finesse du jeu, l’entente, tout ici donne une friabilité bouleversante au rendu : Alexandrine Serre et Frédéric Cherboeuf touchent au plus profond le spectateur.
Enfin, voici La Belle et la Bête (peau d’humaine) de Clémentine Beauvais, personnalité très aigue, trentenaire brillantissime qui écrit, entre autres dons, pour la jeunesse et dont Justine Heynemann avait adapté, avec Rachel Arditi, Les Petites reines, des filles à bicyclette inoubliables. Ici, il faut le souligner, la cohérence du travail de mise en scène et le radieux arc-en-ciel du talent pluriel de l’interprète, Camille Timmermann, offrent un moment exceptionnel de gravité, de légèreté, de fantaisie, de profondeur…Tout ! Marie Hervé a imaginé la scénographie et les costumes, Baptiste Pilon a pris soin du son et, par-delà les compositions de l’interprète, fraîche et mobile, par-delà sa belle voix, sa virtuosité sans emphase, au clavier comme par le chant, notons que Camille Dalmais a écrit Je ne mâche pas mes mots, une expression qui enveloppe d’un voile irisé l’ensemble de ce spectacle que l’
C’était au Théâtre 13/Seine les 6, 7 et 8 avril. En attente de reprise.