« Le Mariage forcé » ou les folies Arène

Formidable spectacle, interprétation du rôle-titre par l’exceptionnelle Julie Sicard, entourée d’un groupe hyper-talentueux. Toutes et tous masqués. Jouez à les reconnaître !

Une boîte de bois dans laquelle s’ouvriront les portes, des fenêtres, des trappes, des chatières, une boîte de bois clair, où le blanc domine, comme dans les maisons du nord. Avec des traînées qui donnent un air du nord. Comme si c’était des bouleaux que l’on avait coupés.

Eric Ruf signe la scénographie de ce spectacle tonique et enthousiasmant. Une cage, mais d’abord un tréteau, qui dit le lieu où Molière situe au départ l’action : Sganarelle sort de chez lui.

Dans la mise en scène du très malin –diabolique- Louis Arène, Sganarelle paraît, complètement paumé. Il est devant nous. Gourd, tétanisé. Des phrases lui viennent, mais comme un terrible brouillage. On le prend immédiatement en amitié.  Il est fragile, vulnérable. On ne peut pas ne pas aimer ce Sganarelle.

Paumé, perdu…Sganarelle : Julie Sicard dans Le Mariage Force de Molière – Mise en scène Louis Arène. Photographie de Brigitte Enguérand/ Collection Comédie Francaise. DR.

Il va être mal traité, trompé, manipulé, malmené, battu, injurié, il va être lynché intellectuellement, moralement, affectivement, socialement. Ce que Molière, qui sait ce qu’il fait, nomme « comédie-mascarade ».

C’est un cauchemar, en fait. Et on ne voit pas comment, enfermé dans cette case, cette cage, Sganarelle pourrait d’en sortir….

Des masques, des costumes à dominante blanche, des femmes qui jouent des hommes, et inversement, on est un peu effrayé par ces « personnages » violents, agressifs, et qui semblent tous ligués contre ce Sganarelle aveuglé, qui craint d’être cocu…

Les comédiens réunis sont magnifiques. Il y a assez longtemps qu’on loue Julie Sicard pour ne pas se sentir portée par les circonstances. N’empêche, ici elle trouve un rôle à la mesure de son immense personnalité. Pourquoi faudrait-il en dire plus ? Toute précision embrumera l’époustouflant travail. Travestissements, passage d’un personnage à l’autre. Changements d’humeurs. Jeu sur les silhouettes. Travail pointu sur les voix, les timbres.

Julie Sicard et Benjamin Lavernhe Photographie de Brigitte Enguérand. Collection Comédie-Française. DR.

Laissons au public la découverte de cette mise en scène très savante et très intelligente, très fine et dans ses effets, farcesque, libre, audacieuse.

Saluons donc et découvrez-les, Julie Sicard, Sylvia Bergé, Christian Hecq, Benjamin Lavernhe, Gaël Kamilindi. Jouez à les reconnaître ! Et laissez-vous secouer par Louis Arène, un maître de savoir et d’audace.   

Studio-Théâtre de la Comédie-Française, à 18h30, du mercredi au dimanche. Durée : 1h00. Tél : 01 44 58 15 15.  Jusqu’au 3 juillet.