Liaisons jubilatoires

Au Lucernaire, Merteuil de Marjorie Frantz, dans une mise en scène de Salomé Villiers, avec Marjorie Frantz, Marquise de Merteuil et Chloé Berthier, Cécile de Volanges, séduit.

Il s’agit de la reprise d’un spectacle créé la saison précédente. Une proposition audacieuse et loyale. En rien prétentieuse. Mais séduisante, très bien écrite, dans l’esprit du temps, avec quelques ruptures volontaires, que l’on peut juger inutiles. Des expressions qui ne sont pas du temps, « dommages collatéraux », par exemple. Mais l’auteure y tient. Respectons ses fantaisies.

On est en 1799, à l’écart du monde, dans un relais de chasse. Quinze ans ont passé depuis la fin du roman épistolaire que sont Les Liaisons dangereuses. Surgit la Marquise de Merteuil, l’esprit électrisé par une mystérieuse invitation. Cécile de Volanges, aujourd’hui veuve, a attiré cette femme trouble et dangereuse. Avec le Vicomte de Valmont, Merteuil avait cruellement manipulé la toute jeune fille qu’était Cécile. L’heure de la vengeance, du règlement de compte, est-elle venue ?

Face à face dans un joli décor, simple, harmonieux, efficace, imaginé par la dramaturge, très beaux costumes pour l’une et l’autre, signés Jérôme Pauwels, belles lumières, son soigné et musique d’Adrien Biry Vicente, tout est très bien pensé. On tique sur un détail, mais là encore, respectons la liberté de l’auteure : la Merteuil ne reconnaît pas Cécile.

Un dialogue s’engage. Un duel apparemment à fleurets mouchetés, car on reste élégantes, mais dans ce monde, les perfidies font partie de l’art de la conversation. Et Merteuil ne s’interdit ni férocités, ni méchancetés, ni cruautés…Tandis que Cécile a bien mûri, et n’est plus du tout fragile victime.

Salomé Villiers dirige deux interprètes éblouissantes et délicieuses. Marjorie Frantz s’amuse beaucoup à lancer le venin de la Marquise. Elle joue de son art consommé des changements de registre et laisse affleurer ses sentiments contradictoires. Chloé Berthier, elle, est une Cécile assez maîtresse d’elle-même, qui se plaît à cacher son jeu, visage lisse et discrètement expressif. Ce qui est le plus touchant, ici, c’est que l’on adhère immédiatement à la situation. Les comédiennes sont et subtiles et sincères. Et c’est formidablement jubilatoire.

Lucernaire, à 20h00 du mardi au samedi, 17h00 le dimanche. Durée : 1h10. Tél : 01 45 44 57 34 ; www.lucernaire.fr

Le texte de Marjorie Frantz est publié, en vente à la librairie du théâtre.