Paris l’Eté, plus qu’un festival, une fête fraternelle

Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel qui savent réunir des artistes originaux et attachants, ont accueilli et accueillent, dans des lieux très divers, un public avide de partage. Le centre nerveux demeure le lycée Jacques-Decour.

C’est une question d’atmosphère, d’ambiance. Une question d’accueil, de partage. Laurence de Magalhaes et Stéphane Ricordel, artistes qui dirigent le Monfort depuis 2009 et ont réinventé Paris l’Eté en étant nommés en 2016 à la tête du festival initié par Jack Lang en 1990, ont le sens de la convivialité.

La chaleur heureuse qui se dégage de chacun des sites (vingt-quatre en tout, du Louvre à Pantin en passant par les Grandes Ecuries de Versailles ou le Grand Palais Ephémère) aimante un public très nombreux en un moment où l’on constate un timide retour des spectateurs au cinéma.

Hier soir, on peut en témoigner, comme c’était le cas le 14 juillet, à la Cartoucherie de Vincennes pour Terces de Johann Le Guillerm ou le 20 juillet au Monfort pour Pinocchio d’Alice Laloy, les chapiteaux, les salles, les sites, sont très fréquentés.

Sans doute le charme profond du Lycée Jacques-Decour, avenue Trudaine, dans le 9ème arrondissement, agit-il…Encore fallait-il trouver le lien avec le lieu…L’accord fut noué dès la première édition de Paris l’Eté, et depuis, la vitalité de ce centre nerveux ne s’est pas démentie.

Jusqu’au 31 juillet, il faut s’abandonner à la magie des espaces et à la cascade de propositions étonnantes qui vous sont offertes ; pour certaines gratuitement.

Dès 18h30, on vous accueille. Si vous ne connaissez pas le lieu qui doit son nom à un de ses jeunes professeurs d’allemand, fusillé au Mont-Valérien, à 32 ans, à peine, vous serez frappé par le côté « lycée idéal » des espaces. Des cours, des couloirs couverts, des salles superbes, de la végétation à profusion, des fenêtres dont on se dit que, peut-être, elles sont celles de bienheureux qui habitent à toute l’année…Un lycée, comme d’autres du même quartier, d’ailleurs, que l’on a aperçus dans des films. Ici, on a envie d’être adolescent…

Dans la cour première, très végétalisée, avec ses arbres, ses pelouses, sa fraîcheur de saison, les lectures ont eu lieu. Assis sur les chaises longues de toile rouge de Paris l’Eté, ou sur des coussins, ou encore sur les balustrades qui bordent ce jardin, les spectateurs ont entendu Marie Vialle accompagnée du chorégraphe et danseur Thierry Thieû Niang, Clara Hédouin, puis, hier, Olivia Corsini, la belle Italienne de Modène, passée par le Piccolo et le Théâtre du Soleil, et qui joue dans La Mouette selon Cyril Teste. Elle avait choisi un texte âpre de Goliarda Sapienza, et, accompagnée d’un ami musicien, elle interrompait le récit pour chanter, évoquant la manière de Silvia Malagugini, puissante, tendre et superbe.

Auparavant, on avait fait le tour de ce cloître du savoir et de l’étonnement. Ainsi Vu des étoiles de Sylvain Chalon, bassine magique bouillonnante de nos mouvements et regards, ainsi Feu, très sentimental film photographique, avec rares paroles de Linda Tuloup, au passage, exposition de photographies de Hassan Hajjaj, le chroniqueur des acrobates, filles et garçons, du groupe acrobatique de Tanger, dans leurs costumes colorés, dont on applaudirait à la nuit le tonique Fiq ! Réveille-toi !

Enfin, on pouvait pénétrer dans une salle avec un grand pan de mur coloré, une salle séparée en deux groupes, cinq et cinq. Des casques de réalité virtuelle pendus : chacun s’installe…et tente de ne pas vaciller devant les images envoûtantes que lui révèle cette sophistication fabuleuse ourdie par Cyril Teste, Hugo Arcier et le collectif MXM.

Un sacré groupe, saisi par Hassan Hajjaj. Expo de photos.

Franchement, on est emporté, fasciné, on tremble devant cette végétation fabuleuse qui croit devant nous, et ce ciel, qui nous conduit jusqu’à la nuit et au cosmos. Une expérience de quelques minutes, une traversée exceptionnelle pensée d’une manière si intelligente et poétique à la fois, que l’on ne sort pas sans être transformé par cette plongée.

Cela s’appelle Eden. Parfois, on craint les plantes qui se développent, nous enserrent, on craint des frôlements, des menaces furtives. Quel chef-d’œuvre que ce travail qui nous emporte au loin, très loin…Une expérience très précieuse, incroyable…

Bientôt c’est l’heure de boire un verre dans la grande cour de la détente, avant d’aller à la découverte des athlètes, filles et garçons du groupe acrobatique de Tanger, avec DJ Key et le regard aimant, pour mettre au point une chorégraphie, de Maroussia Diaz Verbèke. De l’énergie, des figures qui défient les lois de la pesanteur, du charme, de l’esprit, des prises de position (acrobatiques et citoyennes), une bonne humeur, une suite de prouesses accomplies avec une fausse désinvolture, avec discipline, précision, grands sourires. Ils sont beaux, et merveilleusement accordés. Ils mériteraient un long développement. Mais l’urgence est d’aller les voir, d’être ému, d’applaudir leur énergie radieuse et leur engagement poétique et politique.

 Paris l’Eté, jusqu’au 1er août. Tél : 01 44 94 98 00.

Ou : parislete.fr