Stanislas Nordey, un art souverain

Homme de théâtre exceptionnel, ayant toujours donné du sens à sa place dans la société, il porte haut le texte de La Question d’Henri Alleg, sous la direction sensible et intelligente de Laurent Meininger.

Stanislas Nordey n’arrête jamais de travailler. De défendre des auteurs, des idées. Il témoigne. Artiste aux dons multiples, ennemi de toute démonstration, il donne aux pages qu’il choisit, qu’il soit en groupe ou seul en scène, qu’il soit le metteur en scène ou qu’il s’accorde à des regards amis, une force, une évidence qui bouleversent.

Choisissant le grand texte d’Henri Alleg, La Question, il nous renvoie aux années terribles de la guerre d’Algérie, au temps de l’emploi délibéré à la torture.

Homme de presse, directeur d’Alger Républicain, Henri Alleg fut arrêté et emprisonné en 1957 durant cette période particulière de « la bataille d’Alger ». Torturé, résistant à de cruelles et humiliantes séances, il écrivit le récit précis de ce parcours épouvantable. Publié, son livre fut aussitôt et pour de longues année, interdit.  

Maintenant que l’on connaît mieux ces épisodes affreux, initiés sous l’ordre du gouvernement d’alors, on est plus attentif que jamais à la manière dont Henri Alleg écrit. C’est un grand texte que La Question. Pas seulement un témoignage essentiel pour l’Histoire du XXème siècle, pas seulement un texte qui doit nous tenir vigilants dans un monde où la torture est tellement répandue, mais un grand morceau d’écriture. La plume exigeante du journaliste, sa manière de dire clairement les faits, mais sans ajout pathétique, lui donne une force extraordinaire.

Au Théâtre des Halles, dirigé avec finesse par Laurent Meininger, Stanislas Nordey est impressionnant. Le metteur en scène signe un moment très soigné : scénographie de Nicolas Milhé et Renaud Lagier, lumière de Renaud Lagier, son de Mikaël Plunian, vidéo, tout ici est puissant, mais sans surlignage. Le texte a été très légèrement allégé, notamment des scènes de torture. Rien qui émousse le propos d’Henri Alleg. Mais ce que l’on peut soutenir à la lecture, peut être justement insoutenable au théâtre.

On ne saurait assez dire, redire, combien de tels moments sont importants. Il s’agit de théâtre, de la force du théâtre, portant la vérité que tout citoyen devrait connaître.

Théâtre des Halles, à 16h30 jusqu’au 24 juillet. Relâche les 13 et 20. Durée : 1h05. Texte de Henri Alleg aux Editions de Minuit.