Entre Paris et Saint-Quentin, entre 1967 et 1975, une histoire d’amour avec des hauts et des bas. Nos paysages mineurs réunit Adeline Guillot, Vladislav Galard, Vincent Ségal.
Un train électrique comme on peut en rêver à Noël. Un train qui tourne dans un paysage au relief doux, avec ses arbres, ici, là. Au-dessus un écran. Côté cour, un compartiment de train, comme ceux d’il y a quelques années. Une femme à cheveux courts s’y installe. Un homme, barbu, en costume et cravate, entre à son tour. Elle lit.
Non. Ce n’est pas une nouvelle italienne ou une pièce de Yasmina Reza, L’Homme du hasard. Le voyageur de Marc Lainé n’est pas écrivain, mais prof de philo dans un lycée technique. Il enseigne dans le Nord, à Saint-Quentin ; elle vit à Paris, mais elle est originaire de la ville de Quentin de La Tour, et retourne régulièrement voir ses parents, gens simples.
Que va-t-il se passer ? Une jeune femme au visage lumineux mais taiseuse, vingt ans, un homme séducteur, tout regard, tout sourire…
Ils ont pénétré par le bord du plateau. Un autre homme est là, qui est en costume de chef de gare. Tout au long de la représentation, il va manipuler les objets. Le train ? Les caméras motorisées. Il y en a trois. Mais c’est celle qui longe la scène qui est la plus importante.
Parfois, comme elle, qui aime se perdre dans la contemplation du paysage, Paris-Saint-Quentin ou l’inverse, on regarde, comme un enfant devant une vitrine de Noël, le train électrique. En bas et en haut, sur l’écran. Il y a bien sûr d’autres images : celles qui saisissent les deux protagonistes dans l’intimité du wagon. Ils ont de la chance, tout au long des années qui passent, ils ne sont jamais dérangés par un quelconque voyageur ou par un contrôleur…Devant le compartiment, un musicien, au violoncelle. C’est Vincent Ségal, au jeu subtil, à la présence forte.
Faut-il en dire plus ? Une vie, une histoire d’amour des années 70. C’est loin. On fume dans les compartiments, les profs portent des cravates, les étudiants vont à Vincennes et s’enflamment pour la Chine de Mao. Il est lucide, sûr de lui intellectuellement. Il a fait des choix d’époque. Il enseigne des jeunes qui ne seront pas professeurs ou ingénieurs, mais il a le sentiment de faire quelque chose de bien. Elle, elle doute, elle a un peu honte de ses parents, mais ils l’aiment et elle les aime. Lui et elle ne sont pas vraiment du même monde.
Au fil du temps, tout peut changer. Vous découvrirez cette petite nouvelle jolie, cruelle, finement menée. On n’en dira pas plus, parce que la part d’image, de paysage, est moins importante que le face à face des protagonistes.
Marc Lainé est un artiste plasticien. Scénographe, il écrit et compose ses spectacles. On retrouve dans Nos paysages mineurs les principes qui firent sa notoriété. Maquette filmée en direct, véhicule tenant lieu de scène, voyages, musique live, belles lumières, bons acteurs.
Nul, s’il a vu, n’a pu oublier la force de Vanishing point, les deux voyages de Suzanne W. il y a six ou sept ans. A l’époque, Marc Lainé travaillait avec le groupe Moriarty. Nos paysages mineurs est plus intime, on l’a dit. Le propos doit énormément au jeu des deux comédiens. Adeline Guillot, belle, visage très bien filmé, sensible, sobre. Vladislav Galard, après avoir travaillé avec Jean-Baptiste Sastre, Christophe Honoré, Sylvain Creuzevault, Franck Castorf. Mais c’est avec Jeanne Candel et Samuel Achache qu’il a trouvé un univers qui lui convient, comme avec la compagnie Les Brigands. Il joue, donnant toujours le sentiment –par-delà les humeurs des personnages qu’il incarne- qu’il est heureux ! Il chante. Il connaît le violoncelle…
Paysages mineurs, émotions majeures, par une délicatesse et beaucoup d’esprit.
Théâtre 14, jusqu’au 12 décembre. Durée : 1h15. A 20h00 les mardi, mercredi, vendredi, jeudi à 19h00, samedi à 16h00.
Réservation : theatre14.fr / 01 45 45 49 77 / billetterie@theatre14.fr
Puis à La Comédie de Valence/CDN Drôme-Ardèche du 17 au 20 janvier ; La Filature, scène nationale de Mulhouse, du 7 au 10 avril 2022.