La fille du roi de Colchide fascine. Sorcière, amoureuse, criminelle, infanticide, elle a inspiré, au-delà d’Euripide et de Sénèque, des dizaines d’auteurs, Astrid Bayiha a composé un texte qui lie Jean-René Lemoine et Jean Anouilh, Dea Loher et Heiner Müller. Des tons contrastés maîtrisés par une équipe formidable de comédiennes et comédiens.
Il y a, dans ce spectacle sensible et sincère, une franchise esthétique qui participe du charme qui enveloppe le public, immédiatement. Une scénographie simple et efficace de Camille Vallat, des costumes aux couleurs vives, aux coupes harmonieuses d’Emmanuelle Thomas, flattées par les lumières de Jean-Pierre Népost. Discrète ou très présente, selon les mouvements, la musique de Swala Emati, ajoute à la beauté de l’ensemble.
Astrid Bayhiha, est une artiste aux talents multiples. Passée par le conservatoire, dont elle est sortie en 2010, elle ne choisit pas entre l’écriture, la mise en scène, le jeu, le chant. On ne refera pas ici la chronique de ce chemin riche et très ouvert. Elle a travaillé auprès de personnalités très diverses et ces choix (réciproques, car elle est très demandée) nourrissent M comme Médée.
Evidemment, il y a quelque chose d’artificiel dans ce texte. Quelque chose de simplement un peu scolaire, ici transmuté en théâtre par l’interprétation.
Certains comédiens-personnages, sont les points fixes et puissants de la représentation. A commencer par le formidable coryphée de Nelson-Rafaell Madel. Haute présence, humanité à fleur de peau, il est le fil le plus solide de la représentation. Celui qui intervient pour éclairer. L’artiste est un grand interprète.
Jason –ici orthographié Jazon- est incarné avec sensibilité et engagement franc, en même temps, par Josué Ndofusu. Lui aussi, d’un bout à l’autre, assure la cohésion narrative. Forte personnalité, lui aussi. N’oublions pas Valentin de Carbonnières en alternance avec Anthony Audoux, en alternance.
Mais que dire des femmes ! Ouvrant le spectacle, brune, grave comme une statue grecque, voix magnifique et sensibilité de tout l’être, Fernanda Barth, longue, belle, donne d’entrée au projet et sa légitimité et sa force. Il faudrait beaucoup de temps pour analyser chacune de ses sœurs de jeu. Nommons-les, elles sont, chacune, bouleversante(s). Jann Beaudry, Swala Emati, Daniély Francisque. Devinons-nous les auteurs ? Oui pour certains, non pour d’autres. Mais qu’importe. Ici, il ne s’agit pas d’un cours, mais d’un grand moment de théâtre. Tout simplement.
Théâtre de la Tempête, du mardi au samedi à 20h00, dimanche à 16h00. Durée : 1h50. Tél : 01 43 28 36 36. Jusqu’au 25 novembre.