Personnalité puissante, artiste profond au spectre large, de Grüber à la troupe du Théâtre national de Strasbourg et aux films d’Aki Kaurismäki, une carrière immense et audacieuse. Il s’est éteint hier, des suites d’une longue maladie. On le reverra dès le 23 février dans le Maigret de Patrice Leconte avec Depardieu.
Un visage très équilibré, un haut front, une silhouette déliée, des cheveux blonds, un regard ferme, un timbre grave aux harmonies reconnaissables immédiatement avec, en arrière-fond, un certain accent, une vapeur d’accent. Venu d’une enfance alsacienne, sans doute. Mais rien de marqué, d’appuyé. Lorsqu’il surgit sur les plateaux des théâtres, André Wilms avait le charme d’un jeune premier. Il conserva sa vie durant cette personnalité solaire et attachante, doublée d’une photogénie idéale. Il était un enfant des planches, un grand des planches, mais il a beaucoup tourné et aurait pu tourner plus encore. Le hasard des programmations veut que le film dans lequel on le voit, barbu, vieilli, visage doux, personnage à part, le Maigret de Patrice Leconte avec Gérard Depardieu, sorte le 23 février prochain.
Il s’est éteint le 9 février. Il se battait depuis longtemps contre la maladie, en tout silence et noblesse, jouant autant qu’il le pouvait. Mais on ignore les raisons de sa mort. Il avait d’autres projets, au cinéma comme au théâtre.
André Wilms, né le 29 avril 1947, père allemand, mère française et époque où il est interdit de parler alsacien… Il avait été porté par les idées de la jeunesse des années 60. Il n’avait pas fait de longues études, avait obtenu un CAP qui le conduisit à trouver du travail, dans un théâtre, à Toulouse, chez Maurice Sarrazin. Il est cintrier, fait des apparitions comme figurant. Il a le sens de l’histoire : ses aînés ont parfois un grand passé…
Emporté par les vents contradictoires de l’après-68, il bascule du côté de la Gauche Prolétarienne, les maoïstes… Il abandonne Toulouse, le théâtre. Il savait qu’il s’était un peu fourvoyé, dans ces années- là, mais ne reniait en rien cette jeunesse.
D’ailleurs la vigilance politique ne l’abandonna jamais : mais c’était un homme libre, très libre dans ses réflexions et ses espérances. Il n’aimait ni les sots ni les incultes, mais il adorait la dispute intellectuelle et n’avait aucun rejet des pensées qui n’étaient pas complètement pas siennes. Sauf les racistes et les extrémistes, chacun avait droit de discuter avec lui. Notamment après les représentations de Strasbourg, quand le train de minuit huit n’était pas envisageable et que l’on passait la soirée avec la plus brillante troupe de l’époque, dans la lumière de Jean-Pierre Vincent.
André Wilms était un esprit des plus cultivés qui soient, curieux de tout, grave et très drôle, passionné. On pense aux siens, à son entourage familial, lié consubstantiellement au théâtre. On pense aux comédiens de sa génération, aux metteurs en scène. On pense à Philippe Clévenot, à André Engel, à Gérard Desarthe.
La carrière d’André Wilms est éblouissante et l’on n’a souvenir que d’interprétations magistrales. On en parlera plus longuement plus tard. Ici, on veut juste saluer celui qui, parce qu’il a besoin de gagner sa vie, passe une audition à la Chapelle de la Salpêtrière devant Klaus Michael Grüber pour ce qui deviendra un spectacle de légende, Faust. Retenu, il est l’homme qui passe et voyage, l’homme aux valises. Il a rencontré celui qui sera son maître. Ensuite, on en dira plus demain, Strasbourg, fertile époque, et ses premières mises en scène, et la musique, ses spectacles musicaux formidables, et le cinéma qui a élargi son cercle : Laurent Heynemann, Etienne Chatiliez, Aki Kaurismäki, son frère, son maître également.