Annkrist, reverdie de la flamboyante

Grâce à l’un de ses admirateurs, l’auteure et interprète de « Prison 101 » et autres inoubliables titres, revient avec un coffret trois CD qui réunit l’intégralité des chansons gravées sur cinq albums. Ecoutez-la !

On l’avait, quelque part, dans l’oreille et au cœur. Comme on garde au cœur, à l’oreille, les disparues, telle Anne Vanderlove ou Colette Magny, les éloignées, telle Anna Prucnal, les toujours follement présentes, telle Janis Joplin, pourtant morte à 27 ans, en 1970, celles qui sont toujours là et impressionnent par leur énergie rayonnante, telle Joan Baez.

Annkrist. Toute une époque, pourrait-on dire. Les filles avaient les cheveux longs, lâchés, le teint pâle, des robes longues, et même des sabots parfois. Elle avait une voix déchirante, âpre et capable d’une infinie douceur. Une chanteuse engagée dans la vie, qui n’écrivait pas ses textes mais composait et la musique et les paroles en même temps.

Elle avait quelque chose d’une héroïne des lointains. Elle était née à Bizerte, elle avait grandi à Brest. Elle avait voyagé en Afrique sub-saharienne. Mais elle supportait le crachin.

Comme on aimait Mac Orlan, on lui trouvait des ressemblances. Mais on pensait à Joan Baez pour l’engagement, à Janis Joplin pour la voix qui déchire l’âme.

Elle se prénommait Annick-Christine. Son nom de famille était très breton. Son père était marin, d’où Bizerte, où elle est née en 1949, d’où Brest où elle a grandi dans le quartier du Polygone. D’où la toute jeune fille –on n’est majeur qu’à 21 ans, en ce temps là- portée par une vague du renouveau de la culture bretonne. Les chanteurs, la musique. Ne parlons pas de mode. Mais Annkrist n’était pas seule en ces années fin 70 début 80. Son premier album date de 1976. Plus tard, après des succès, des engagements couleur de ces années-là, un terrible accident de voiture alors que Jean-Louis Foulquier l’attend à France Inter, elle prendra un autre chemin.

Couverture du coffret. Photo avec des dessins de Wozniak. DR. Maquette de Adelina Kulmakhanova. DR.

Mais que peut une poète, une femme intègre, face aux produits de consommation musicale. Rien. Gilles Servat l’invite en 1987, en première partie de son Olympia. Ultime flamboiements sous le regard d’un public qui l’aime, d’un monde des médias qui la reconnaît enfin à sa juste importance.

Ensuite, il faut bien le dire, elle a disparu. Peut-être avait-elle repris la route, peut-être avait-elle choisi une vie à l’écart, calme et douce. Mais deux homme de goût, deux hommes sensibles aux sortilèges de cette fée des forêts, des grèves, des arsenaux et des prisons, ont eu, à peu près en même temps, le désir de la retrouver.

Annkrist. Jean-Claude Leroy a réuni les textes, a publié un livre (éditions Goater, 2021). Jean-Luc Porquet a réussi à créer un magnifique coffret, avec des illustrations de son camarade du Canard Enchaîné, Wozniak. Trois CD, à écouter, à découvrir.

Elle avait 20 ans, 30 ans, elle en a 70 et quelque. Mais le talent est intact. La voix bouleverse tous les auditeurs. Des rencontres et des récitals sont prévus, dans les mois qui viennent, à l’appui de la découverte de ce coffret magnifique et du livre des paroles jamais envolées.

Annkrist, le livre, éditions Goater.

Annkrist enchantée, coffret de trois CD, distribution Kuroneko.

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