Richard III, ce comédien manipulateur

Avec sa mise en scène du chef-d’œuvre de William Shakespeare, Guillaume Séverac-Schmitz confirme ses qualités d’intelligence, d’audace. Un formidable travail de troupe à retrouver au théâtre Châtillon-Clamart.

C’est à la Maison des Arts de Créteil, la MAC, que nous avons, il y a quelques saisons, eu la chance de découvrir le travail de ce jeune metteur en scène et de ses camarades. On connaissait Guillaume Séverac-Schmitz par le Conservatoire, promotion 2007. On l’avait repéré ici et là, comédien. Mais on a surtout été éblouis (je n’étais pas la seule !) par sa mise en scène de La Duchesse d’Amalfi de John Webster et très intéressés par le travail sur Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce.

Aujourd’hui, on découvre sa version de Richard III. Une pièce magnifique, relativement souvent jouée, marquée par des interprétations inoubliables, que ce soit Robert Hirsch avec Terry Hands ou Ariel Garcia-Valdès avec Georges Lavaudant, ou encore Lars Eidinger avec Thomas Ostermeier, Marcial Di Fonzo Bo avec Matthias Langhoff, ou Thomas Jolly dans un spectacle qu’il signait, pour n’en citer que quelques-uns.

Guillaume Séverac-Schmitz s’appuie sur une traduction-adaptation efficace et vive de Clément Camar-Mercier. Ils ont pris le parti d’un Duc de Gloucester comédien, « un prototype de l’Acteur-Roi » qui, d’entrée, s’adresse au public, exige une connivence sans réserve. Et pourtant le crapaud du Diable est un scélérat. Il fait de plus en plus peur.

Plus de pistolets que de dagues, face à un Richard devenu vraiment monstrueux. Photographie d’Erik Damiano.

Au départ, un petit jeune homme colérique et jaloux. Mais, chemin faisant, de crime en crime, il se métamorphose en monstre difforme et effrayant. Ce chemin est d’une puissance saisissante. Thibault Perrenoud est particulièrement remarquable qui joue le falot nerveux, ivre de rage, mais qui paraît inoffensif parfois, au début, puis le manipulateur épouvantablement lucide, envahi de pensées de destruction. Il joue, comme l’exige la conception dramaturgique, sans cesse avec nous, le public…et cela ajoute aux frissons.

Tandis qu’un moment, vous le verrez, le peuple descend sur scène…

Autre photographie d’Erik Damiano. DR. Les scènes ne sont pas ici présentées dans l’ordre de la tragédie.

L’action de la tragédie Richard III se situe dans une parenthèse. On est juste après la Guerre des Deux Roses. Les York ont remporté une bataille décisive sur les Lancastre. La trajectoire de Richard, bossu, pied-bot, qui veut devenir roi et mourra, « Un cheval, mon royaume pour un cheval », est hallucinante. C’est la fin des Plantagenêts, voici les Tudor. Le futur Henri VII, Comte de Richmond, a vaincu…

Pour Shakespeare, c’est la fin du cycle composé entre 1588 et 1599 , huit pièces qui narrent la triste histoire des rois. Cela commence avec Richard II, puis viennent Henry IV, Henry V, Henry VI et enfin Richard III.

Richard II, mis en scène par Guillaume Séverac-Schmitz, date de 2015. Il saute quelques épisodes et confirme tous ses talents de directeur de jeu, entouré d’une équipe d’excellence : Emmanuel Clolus pour une scénographie mobile et maligne, transfigurée par les lumières de Philippe Berthomé. Un usage fin du son et des percussions, Géraldine Belin et Sébastien Mignard, des costumes très bien pensés par Emmanuelle Thomas, tout ici est inscrit sous le signe d’une cohérence esthétique et intellectuelle qui force l’admiration.

Les femmes sont admirables, dans cette tragédie. Elisabeth, Anne-Laure Tondu, résiste, Lady Anne, Aurore Paris, laisse jaillir la haine mais se soumet, Margaret, Julie Recoing, maudit Richard en imprécations impressionnantes. Elles jouent d’autres personnages, hommes compris. De fortes personnalités d’artistes nuancées et maîtresses de leurs jeux. Trois actrices grandes.

Les garçons ici sont également excellents et changent sans cesse de partitions. Il faudrait analyser chaque trajet d’acteur. Citons-les : Louis Atlan, Clarence, Martin Campestre, Mortimer, Sébastien Mignard, Norfolk, Nicolas Pirson, Hastings, Gonzague Van Bervesselès, Catesby. Des comédiens engagés de toutes leurs fibres dans ce jeu extrêmement théâtral et qui éclairent de leurs sensibilités moirées chaque nœud de l’intrigue.

Cette fluidité de jeu, le rythme soutenu, tout donne au spectacle une vigueur, une vitalité merveilleuse. On est du côté d’un grand théâtre « élitaire pour tous », tenu, très libre et audacieux, tel le jeune Shakespeare même. A voir et revoir.

C’est à Créteil, le 8 février, que nous avons vu ce spectacle. Il reprend dès après-demain, 17 février, au Théâtre Chatillon-Clamart (site Jean Arp) pour deux représentations. Le 17 à 20h30 et le 18 février à 18h00. Ne ratez pas ce grand moment, jubilatoire, une représentation qui passe à toute allure :

Première partie : 1h50, entracte 20 minutes, deuxième partie : 1h00.

Tel : 01 71 10 74 31

theatrechatillonclamart.com

Historique et suite de la tournée Création les 19, 20, 21 janvier 2023, Le théâtre du Château Rouge, Annemasse 
le 2 février 2023, Théâtre Jacques Coeur – Lattes 
du 8 au 10 février 2023, MAC ‑ Maison des Arts de Créteil 
les 17 et 18 février 2023 Chatillon-Clamart

Nouvelles dates de tournée

les 8 et 9 mars 2023 : Théâtre Cinéma, Scène nationale Grand Narbonne
le 23 mars 2023 : Théâtre Jacques Coeur, Lattes
du 18 au 21 avril 2023 : Théâtre Montansier, Versailles
les 1er et 2 juin 2023 : Théâtre de Caen
du 8 au 14 novembre 2023 : Théâtre de la Cité, CDB Toulouse-Occitanie
les 22 et 23 novembre 2023 : Théâtre de Nîmes
les 28 et 29 novembre 2023 : Le Cratère – Scène nationale de Alès
les 5 et 6 décembre 2023 : Théâtre Molière Sète – Scène nationale Archipel de Thau