Seule en scène, elle est une femme qui retrouve Constantine, ville qu’elle a quittée petite fille. L’interprète est très vive, sensible, changeante. Elle a l’âme à fleur de peau et bouleverse autant qu’elle fait rire. Entre le clown et la diva, une tragédienne aux pieds ailés.
Dans la petite salle du Lucernaire, tout en haut là-haut, salle bien nommée « Le Paradis », viennent de débuter les représentations d’un texte de Jean-Christophe Dollé, intitulé Le Hasard merveilleux.
Il s’agit d’un monologue qui date de quelques années. Il est mis en scène par un artiste très sensible et d’une intelligence profonde, Laurent Natrella, un ancien de la Comédie-Française. Il a été composé pour la comédienne qui le joue, Brigitte Guedj.
Autant dire que cette histoire de femme qu’une occasion de travail reconduit dans la ville où elle était née et qu’elle a quittée en 1962, des dizaines d’années auparavant, a quelque chose à voir avec la vie même de l’interprète. Mais ne cherchons pas à en savoir plus.
La fable de ce texte intitulé Le Hasard merveilleux fait de la femme l’entraineuse de l’équipe féminine de handball d’Aubervilliers. Une sportive, une cheffe. Les compétitions la conduisent en Algérie. Dans une ville très particulière, une ville de musique et de religion, une ville dans laquelle, à un moment, les religions du livre ont vécu ensemble et en harmonie, Constantine.
Une heure vingt durant, dans la simplicité d’une adresse aux spectateurs, avec, un moment, un fascinant numéro de magie, Brigitte Guedj est seule pour défendre le « personnage » et sa parole.
Une réserve : le texte pourrait être resserré légèrement. Car l’énergie s’épuise, l’encre également.
Brigitte Guedj, très bien dirigée par Laurent Natrella, brille des feux d’une sensibilité étoilée, d’une énergie de championne -et, elle est sportive, cette Sylvie- elle passe d’une émotion à l’autre avec une virtuosité de musicienne.
Paul Claudel disait : « J’effervesce » lorsqu’il se sentait en forme et créait en un jaillissement brillant. Ici, Brigitte Guedj est en effervescence. Elle fuse, elle explose en mille et une gouttelettes d’émotions, de souvenirs, de reconnaissances. Vraies ou fausses.
Brigitte Guedj va d’un registre à l’autre avec une virtuosité d’acrobate spirituel. Elle jongle. Elle change de voix; Elle est une petite fille qui ne comprend pas tout et interroge son papa. Pas très affectueux. Et qui l’appelle, dit la fable de Christophe Dollé, « petite pute ». C’est vraiment très moche. Très dérangeant. Et il n’y a pas de maman, ici. Sauf que dans les rues de Constantine, il y a peut-être des êtres qui ont survécu aux cinquante années passées.
La partition signée Jean-Christophe Dollé autorise Brigitte Guedj, soutenue par la mise en scène de Laurent Natrella, à passer de clownerie à tragédie, de légèreté à terrible gravité.
Corps, visage, expressions, mouvements, regards, voix à transformations, tout ici donne à l’héroïne une épaisseur humaine bouleversante. Par-delà l’histoire elle-même, une histoire d’espérance de réconciliation, ce Hasard merveilleux doit énormément à la personnalité rare et puissante de Brigitte Guedj, comédienne au long parcours moiré.
Lucernaire, salle Paradis, à 21h00 du mardi au samedi, 17h30 le dimanche. Durée : 1h20. Tél : 01 45 44 57 34. Jusqu’au 16 février.
www.lucernaire.fr
Assistante à la mise en scène Anne Didon
Création sonore Dominique Bataille
Lumières Elsa Revol
Costumes/ Décors Delphine Brouard
Effets magiques Arthur Chavaudret
Production En scène ! Productions, Pierre Boiteux