Christian Dupavillon, l’imagination vraiment au pouvoir

Architecte, passionné par le théâtre et le cirque, il avait été directeur du Patrimoine. Mais c’est d’avoir lancé l’idée de la fête de la musique qui le rendait le plus fier. Il s’est éteint ce matin, dans sa 84ème année.

Dupav’, on l’appelait Dupav’. Tout un programme ! Un nom de cour de récré. L’enfant qu’il avait été, dans les années 40, à Chambéry, ne s’était jamais tu, en lui. Ce qui autorisait une certaine familiarité. Christian Dupavillon, de son patronyme complet, Christian du Cheyron du Pavillon, appartenait à une famille assez sévère, mais cela ne l’empêcha jamais de développer et d’exprimer une fantaisie heureuse. Il était né le 20 mai 1940.

Ses bacs en poche (en ce temps-là, il y en avait deux), il étudie ‘architecture. Il est passionné par les bâtiments du spectacle vivant, théâtres, cirques. Il écrira d’ailleurs sur ces architectures spécifiques, de très beaux ouvrages savants et déliés.  

Très tôt Il est au plus près des grandes aventures théâtrales du début des années 60. Christian Dupavillon s’est beaucoup investi, dès 1967, dans la naissance et le rayonnement du festival universitaire qu’a fondé Jack Lang à Nancy. Avec Monique Lang et la petite garde rapprochée –ils sont tous très jeunes et très passionnés- il se dépense sans compter. Comme le raconte si bien Jean-Pierre Thibaudat dans l’ouvrage qu’il a consacré, il y a quelques années, à cette singulière aventure, devenue le Festival international de Nancy, Christian Dupavillon, esprit curieux et homme épris de voyages, nourrit la programmation, Il ramène dans ses filets de nombreux trésors et conduit, jusqu’à la Place Stanislas et ses environs, quelques-uns des artistes, quelques-unes des troupes les plus frappantes d’alors. Bread and Puppett (des marionnettes et Dupavillon adore), comme Robert Wilson. C’est l’Amérique inventive. Michèle Kokosowski s’occupe plus de l’Est de l’Europe et Tadeusz Kantor est bientôt là…

A l’orée des années 70, on le retrouve dans le bois de Vincennes. Auprès d’Ariane Mnouchkine et des fondateurs, il impulse vie au Théâtre du Soleil. Il n’est pas le scénographe du grand pavillon de la Cartoucherie, mais on dit que c’est lui qui a eu vent du site, appartenant à la ville de Paris, que l’armée quittait. Guy-Claude François sera des années durant le maître des espaces et des images du Soleil.

La troupe s’installe là et cinquante cinq ans plus tard, elle est toujours là. C’est Christian Dupavillon qui a eu vent du départ de l’armée du site. D’autres artistes suivront Ariane Mnouchkine, à commencer par Jean-Marie Serreau.

Des années fertiles et des spectacles inoubliables. Christian Dupavillon a une autre passion : celle des carnavals. Lui qui a grandi dans les Alpes, connaît par cœur les fascinantes manifestations suisses, mais c’est dans le monde entier qu’il part à la découverte des formes différentes de ces fêtes immémoriales.

Lorsque Jack Lang devient directeur du Théâtre de Chaillot, en 1973, Christian Dupavillon l’accompagne, et s’occupe notamment du jeune public. Secrétaire d’Etat à la cuture, Michel Guy démet son futur successeur et Dupavillon travaille alors à « Architecture d’aujourd’hui », de 1978 à 1981.

Bientôt, il sera appelé rue de Valois, par Jack Lang, devenu en mai 1981, ministre de la Culture et de la Communication. Beaucoup d’argent et beaucoup d’idées : ces années- là sont riches d’événements incessants. Conseiller technique chargé des grands travaux, en accord évidemment avec Emile Biasini, Christian Dupavillon développe mille et unes idées et c’est à lui que l’on doit une idée qui sera soutenue par le directeur de la musique, Michel Fleuret, mais qui est consubstantielle au goût de la fête et des fêtes populaires de cet aristocrate : la fête de la Musique. Mais oui, c’est lui, et c’est sans doute l’un des faits dont il aura été le plus fier, jusqu’à la fin de sa vie. Après le premier départ de la rue de Valois, il est à l’abri : il a été nommé, en 1985, inspecteur général de l’administration de la culture, ce qui lui assure une stabilité officielle dans l’administration.   

Au retour de l’équipe rue de Valois, il est à nouveau conseiller technique avant d’être promu directeur du Patrimoine. Il y demeure de 1990 à 1993. Il est au sommet de sa carrière et son éducation, ses connaissances, ses goûts, font de lui un serviteur de l’Etat et des monuments, très actif, très investi dans ses fonctions.

Jacques Toubon, à son tour devenu ministre de la Culture, le rappelle rue de Valois pour une mission sur l’action de l’Etat dans le domaine de l’architecture.

Par-delà la fête de la musique, Christian Dupavillon aura également été l’homme des grandes mises en scène : 21 mai 1981, le tout nouveau Président Mitterrand est au Panthéon ; même lieu, sept ans plus tard, transfert des cendres de Jean Monnet ; juillet 1989, bicentenaire de la Révolution française, il a eu l’idée de Jean-Paul Goude pour le défilé historique et ludique.