Claudine Auger, le théâtre aussi

Connue pour avoir été la première James Bond française, elle avait fait ses classes chez René Simon et participé à l’aventure du TNP de Jean Vilar, travaillant aussi beaucoup avec Jean Meyer.

Connue pour sa beauté, grande, déliée avec un visage équilibré et ce troublant regard de Vénus, avec cette infime coquetterie qui ajoutait à son charme, Claudine Oger, dite Claudine Auger, appartenait exactement à la même génération qu’Anna Karina, qui s’est éteinte le 14 décembre dernier. Karina avait fait un peu de théâtre, mais ne tenait pas plus que cela à quelques aventures, très éloignées dans le temps.

Claudine Auger, née sept mois après Anna Karina, le 26 avril 1941, s’est éteinte, elle, le 18 avril, à Paris. Comme son aînée, des suites d’une longue maladie.

Claudine Auger (c’est notre photo) fut la première James Bond girl française, jouant l’intrépide Domino dans Opération tonnerre de Terence Young, aux côtés de Sean Connery.

Sa carrière au cinéma avait commencé très tôt. Alors même qu’elle terminait d’étudier l’art dramatique, elle avait gagné sa vie dans le mannequinat et s’était trouvée embarquée dans des compétitions de beauté. Ainsi fut-elle Miss Cinémonde en 1957, puis dauphine de Miss Monde. Pas Miss France, comme, longtemps, on le raconta…

C’est le théâtre qui la passionnait et chez René Simon, elle s’impose. Non pas seulement par sa personnalité magnétique, belle voix, grande sensibilité, esprit. Mais par un sens précis et fin du jeu, que l’on retrouvera tout au long de sa carrière, au cinéma.

Dès 1958, elle est repérée et obtient un rôle au cinéma dans Christine de Pierre-Gaspard Huit. Elle continue avec Jean Cocteau, dès 1960, dans Le Testament d’Orphée et dans Terrain vague de Marcel Carné, notamment avant le sketch de L’Envie dans les Sept péchés capitaux, sous la direction d’Edouard Molinaro, puis Le Masque de fer avec Jean Marais, film d’Henri Decoin. On la verra aussi dans Yoyo de Pierre Etaix avant la notoriété planétaire que lui apporte Opération tonnerre !

Comme tous les comédiens des années 60, elle travaillera beaucoup en Italie et elle jouera beaucoup, avec grâce, dans les films de Jacques Deray : L’Homme de Marrakech, Un peu de soleil dans l’eau froide d’après Sagan, Flic strory, Un papillon sur l’épaule, Les secrets de la Princesse de Cadignan, film inspiré de Balzac, en 1982. Puis Credo en 83, pour la télévision, où elle fait de rares apparitions.

Aussi sensible et intelligente que belle, une comédienne que l’on n’oubliait pas. DR

Mais ici, c’est sa carrière au théâtre, particulièrement brillante et un peu oubliée, avouons-le, que nous souhaitons rappeler. La jeune élève de René Simon aura eu de grands maîtres : Jean Meyer, Jean Vilar, Georges Wilson.

Au Palais Royal, on l’applaudit dans les comédies de Molière. Elle y excelle, ravissante et disciplinée. L’Avare, L’Impromptu de Versailles, L’Etourdi, Le Dépit amoureux et une petite parenthèse pour Labiche et La Station Champbaudet, spectacle donné au conservatoire.

En 1962, elle intègre la plus audacieuse troupe de France en étant engagée par Jean Vilar, au TNP. De Chaillot au festival d’Avignon, elle retrouve L’Avare, en 1962 et 1963. C’est en cette année-là, 1963 aussi, que de patron du Théâtre national populaire monte, pour la cour d’Honneur du palais des Papes, La Guerre de Troie n’aura pas lieu, de Jean Giraudoux. Elle y côtoie le jeune Jean-Louis Trintignant, entre autres…et joue cette saison là une autre pièce qui la passionne, Les Enfants du soleil, de Maxime Gorki, dans une mise en scène de Georges Wilson. On est toujours en 1963 et Wilson la dirige l’année suivante dans Romulus le Grand de Friedrich Dürrenmatt, spectacle également présenté à Avignon.

Claudine Auger, heureuse à l’école de Molière et de Jean Meyer, va retrouver la merveilleuse salle du Palais-Royal et interpréter les grands rôles féminins dans des pièces graves, comme Tartuffe, Le Misanthrope ou George Dandin. Des pièces joyeuses également comme Les Femmes savantes et Les Précieuses ridicules.

James Bond va mettre un terme à ces belles années. Mais Claudine Auger était demeurée une spectatrice bienveillante et dans les années 80-90, on la rencontrait souvent, le soir, au théâtre, fidèle à ses camarades.