S’inspirant des « Histoires enfantines » de l’écrivain suisse, Dominique Lurcel dirige le comédien Guillaume van’t Hoff dans un spectacle délicieux, « L’Amérique n’existe pas ».
Une vingtaine de caisses de carton. Certaines à face dorée. Un fauteuil d’allure confortable, un lampadaire. Une scénographie légère, ludique imaginée par Adèle Ogier, dans des lumières de Guislaine Rigollet. Rien de plus simple apparemment. Un interprète d’une exquise malice, poétique et vif, dans le costume d’un homme qui serait chez lui, dans sa veste de laine. Marion Duvinage l’a habillé. Le comédien idéal sur qui s’appuie le metteur en scène Dominique Lurcel, c’est Guillaume van’t Hoff. N’étaient les favoris et une touche au menton, il serait un enfant. Il a une bouille d’enfant.
Il raconte des histoires. Elles viennent du recueil d’un écrivain très célèbre en Suisse, mais un peu méconnu en France, Peter Bichsel. Ces Histoires enfantines ont été publiées chez Gallimard dans les traductions de Marc Schweyer et Claude Maillard en 1971. Dominique Lurcel ne les a pas toutes retenues. Et justement pas celle qui donne son titre au spectacle, « L’Amérique n’existe pas » ! Trop longue…
Dominique Lurcel a fait des choix qui donnent une dominante de douce folie aux récits. Des personnages qui vivent des aventures insolites, des hommes obsédés et tenaces. Des hommes qui ont des rêves. Des hommes qui s’obstinent. Que rien ne peut, semble-t-il, décourager. Ni personne. Pas des idiots. Pas du tout. Ils ont des compétences. S’ils s’entêtent, c’est parce qu’il y a de l’idéal en eux. Nulle agressivité. Ils ont une manière unique d’interpréter les faits. Ils se mettent, chacun à sa manière, à l’épreuve des faits. Et ils cherchent à établir des preuves. Qu’ils inventent ou qu’ils veuillent faire le tour de la Terre. Qu’ils connaissent les horaires de chemins de fer.
Nous ne connaissions pas cet écrivain, ni ces Histoires enfantines. Dominique Lurcel pense à Michaux, à Tardieu, à Prévert. Il paraît que Peter Bichsel aime les bistrots et recueille des histoires, les invente, les dit. Chroniqueur pour de grands journaux, c’est un peu un Alexandre Vialatte suisse.
Dominique Lurcel est un metteur en scène de textes puissants, ayant toujours lié souci pédagogique –il a longtemps enseigné- et art du théâtre, art personnel attisé aux feux de Gatti et Barrault, Dominique Lurcel s’est frayé un chemin plein de sens et de beauté sur des plateaux très différents. Il a toujours été à l’écoute du monde, puisant dans le haut répertoire des modèles civique, éthiques. Il prend toujours grand soin des montages et c’est pourquoi nous avons cité d’entrée toute l’équipe !
On l’a dit, Guillaume van’t Hoff apporte sa poésie, sa finesse, son intelligence, sa présence légère et sa gravité à ce moment de pur théâtre. Une voix, un regard, une candeur apparente –mais c’est du grand art !- au service de textes merveilleux. Un enchantement.
Théâtre Essaion, grande salle, dimanche à 18h00, lundi à 19h15. Durée : 1h10. Tél : 01 42 78 46 42. Jusqu’au 9 mai.