Elisabeth Bouchaud et les femmes de science

Après Lise Meitner, c’est Jocelyn Bell dont elle éclaire le destin. En alternance, deux spectacles remarquables donnés à la Reine Blanche. Remarquable.

Il y a d’abord Exil intérieur ou l’histoire de Lise Mettner, née autrichienne en 1878, de culture juive, découvreuse de la fission nucléaire au sortir de la première guerre, alors qu’elle est à Berlin, en 1918. Ecrasée par la deuxième guerre, contrainte à l’exil, elle mourra en 1968, sans avoir cessé de se consacrer à la recherche.

Ce premier volet, nous l’avons vu il y a plusieurs semaines et nous en avons rendu compte dans les colonnes du Quotidien du Médecin. Elisabeth Bouchaud y incarne une Lise Mettner très sensible, très intelligente. A ses côtés, Benoît di Marco est Otto Hahn, collègue allemand, chimiste qui travaille lui aussi au Laboratoire de radioactivité de l’Institut Wilhelm Kaiser de Berlin et recevra tous les honneurs. Le comédien dessine d’autres personnages, dans une narration très bien menée. De même Imer Kutllovci, Otto Robert Frisch, physicien, neveu de Lise et autres figures.

On retrouve Benoît Di Marco dans ce deuxième volet de « Flammes de science ». Il est principalement Anthony Hewish, directeur de thèse de la jeune étudiante à Cambridge, Jocelyn Bell. Jocelyn est née le 15 juillet 43, en Irlande. Après des études à Glasgow, elle est à Cambridge lorsqu’elle découvre les « pulsars », en 1967. Son professeur prend d’abord avec mépris sa recherche, avant de comprendre qu’elle a raison. Il publie sous son seul nom un article dans Nature et reçoit le prix Nobel en 1974. Une partie de la communauté scientifique connaît la vérité, mais Jocelyn Bell est un grand caractère et ne dit rien. Elle poursuivra ses recherches, recevant de nombreuses récompenses.

Marie Steen, qui met en scène les deux pièces, excelle à insuffler un rythme vif, en s’appuyant donc sur trois comédiens seulement, à chaque fois. Mais on est saisi par les « intrigues » et pris aussi par l’intelligence des scénographies mobiles de Luca Antonucci.

Benoît Di Marco ne craint pas les personnages rugueux, voire peu sympathiques. Il est fin et délié. Très précis. Clémentine Lebocey, est une douce Jocelyn, ligotée par des complexes (être irlandaise, n’être qu’une jeune étudiante, d’une famille de quakers) et surtout d’une noblesse d’esprit extraordinaire. Et une très grande savante, toujours à l’écoute du monde ; elle aura 80 ans le 15 juillet prochain. Clémentine Lebocey est remarquable, jamais démonstrative. Comme l’est son amie, sa colocataire, Janet Smith, étudiante en théologie. Les très jeunes femmes partagent des conversations très sérieuses sur le sens de la vie, la religion, le ciel des astrophysiciens et celui des croyants. Mais rien n’est lourd jamais et Roxane Driay est elle aussi ultra-sensible et vive.

Bref de très beaux moments de vrai théâtre qui nous éclairent et nous dévoilent des destins de femmes très intelligentes, flouées, volées même, mais d’une dignité et d’une hauteur de vue qui dépasse toutes les indignations. Des âmes fortes .

Théâtre de la Reine Blanche, les deux pièces en alternance, jusqu’au 28 janvier pour Exil Intérieur et ensuite seule à l’affiche, jusqu’au 5 février, Prix No’Bell. Horaires à vérifier : 14h30, 16h00, 18h00, 19h00, selon les jours. Durée : 1h20 à peu près, chaque pièce. Tél : 01 40 05 06 96.

www.reineblanche.com

reservations@scenesblanches.com

Les deux textes sont publiés dans la collection les Quatre-Vents de l’Avant-scène théâtre (15€). En vente sur place.