Très finement dirigée par Marcial Di Fonzo Bo dans « Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne », fantaisie ironique de Jean-Luc Lagarce, elle déploie tous ses époustouflants talents.
On ne voit pas quelle comédienne aurait pu être là, devant nous, si drôle, si puissante, si irrésistible, si cocasse et séduisante, si intelligente. Une acrobate, une virtuose, charmante dans son faux sarreau noir, à large col blanc, sur pantalon droit et chaussons souples. Avec sa masse de cheveux bouclés, on devine toujours la petite fille espiègle qu’elle demeure.
Il faut beaucoup d’audace pour être drôle, beaucoup de maîtrise du jeu pour donner tant de nuances à une interprétation. Ce n’est pas nouveau. Qu’elle joue Koltès, Copi, Noren, Bernhard, Minyana, Notte –et sans citer les dizaines d’auteurs de ses années Comédie-Française- elle impose sa personnalité puissante avec une légèreté d’elfe.
C’est pour le Festival d’Anjou du printemps dernier, que Jean Robert-Charrier, qui signait sa première programmation, et dont l’admiration pour Catherine Hiegel est éclatante, qu’a été créé ce spectacle. Marcial Di Fonzo Bo, artiste rayonnant, connaît bien l’interprète. Ici, pour ce texte insolite, il s’amuse franchement, insolemment, avec sa joyeuse causticité.
Ce texte de Jean-Luc Lagarce, s’inspire d’un ouvrage de 1889 écrit par la baronne Staffe –pseudonyme d’une originale, très active, Usages du monde : les règles du savoir-vivre dans la société moderne. Il concerne une société qui n’existe plus, mais les convenances sont encore actives dans certains milieux. Et la loi (naissance ou mort) secrète toujours les mêmes obligations.
Trois grandes tables mobiles constituent l’essentiel de la dynamique et malicieuse mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo. Quelques albums, des cartels, un bouquet de fleurs blanches un moment, des lumières bien dosées, des moments de vraie-fausse lecture, des adresses à l’auditoire. Rien de statique, ici. Tout bouge, comme se déplace la comédienne et comme se métamorphose le visage aux mille et une expressions de Catherine Hiegel. Elle est tout simplement fabuleuse. Coquine, sévère, complice, autoritaire, compréhensive, courroucée, triste, amusée, la donneuse de conseils, celle qui détient le savoir, la Baronne en quelque sorte, nous ouvre les portes d’un monde que l’on ne connaît pas…le grand monde, le monde de la loi sociétale, ce monde terrible qui intimide et peut détruire…Un monde de la bêtise bourgeoise.
Mais Lagarce s’amuse. On pense à lui qui bientôt va mourir. On admire l’exercice époustouflant de l’écriture et du jeu. On rit, on peut rire et avoir le cœur serré…
Petit Saint-Martin, du mardi au samedi, à 19h00 ou 21h00, en alternance. Durée : 1h00. Tél : 01 42 08 00 32.
petitsaintmartin.com
Texte aux Solitaires Intempestifs.