Forte personnalité, passionné de littérature, présence puissante, il a élaboré un spectacle à partir de textes de Brigitte Fontaine, Colère noire.
Nous reparlerons plus longuement de ce sombre et beau morceau de théâtre. De la poésie pure. Qui bouscule, dérange et apaise…Depuis une vingtaine d’années, Gabriel Dufay, passé par le conservatoire et qui dès cette époque signa de mémorables spectacles, a suivi un chemin très personnel, élaborant des montages, jouant sous la direction d’autres metteurs en scène, publiant quelques ouvrages. La dernière fois qu’on l’avait applaudi comme interprète, c’était dans Dunsinane de David Greig au TNP-Villeurbanne, dirigé par Baptiste Guiton. On ne l’oublie pas dans Desnos et on a tenté de le suivre. On l’a raté, cet été, à Avignon, où il présentait off un travail avec des jeunes.
Avec son nouveau spectacle, il s’exprime au plus intime en traversant des textes de Brigitte Fontaine : Rien et Colère noire. Une scénographie de terrain vague occupe tout le plateau de la plus petite des salles de la Maison des Arts –mais elle est vaste…Margaux Nessi a imaginé ce dispositif. Un écran occupe tout le mur du fond et l’on suivra les vidéos de Vladimir Vatsev. A cour, sur une estrade, deux musiciens très doués, Michèle Pierre et Paul Colomb soit le Duo Brady, deux violoncellistes très subtils qui interviennent dans le jeu, avec leurs propres compositions. Les lumières de Sébastien Lemarchand ajoutent au mystère.
On ne sait pas trop qui est cet homme, qui surgit dans ses vêtements de voyageur du jour (Aude Desigaux) venu d’on ne sait où. Il s’adresse à nous. Prend à témoin tel ou telle. Sans agressivité dérangeante. Haute silhouette à contre-jour, stature impressionnante s’imposant au plus près. Gabriel Dufay donne aux textes de Brigitte Fontaine leur puissance. Avec ce qu’il y a de lucidité, de beauté, de désespoir, dans sa langue aussi puissante que troublante. Une quête d’absolu, avec colère, fureur, oui, mais avec quelque chose qui tend à la paix, à une conscience tendre.
Gabriel Dufay possède un timbre très musical. Parfois, il a des intonations de ces grands aînés que les jeunes ne connaissent plus, les Pierre Brasseur, les Jean-Pierre Marielle. Mais il y a dans cette voix du fruité jusqu’à l’acidité, du feutré jusqu’à la pure douceur de la confidence.
Un moment, on voit un homme qui passe, au fond du plateau…On le retrouve à la fin, comme un double troublant, vieilli peut-être…C’est Michel Archimbaud, l’éditeur à part, un poète de la vie.
Donner aux mots de Brigitte Fontaine cette ampleur, cette grandeur est vraiment un geste aussi intelligent que pertinent. Gabriel Dufay rend justice à cette artiste de la rupture et de la contemplation. Une femme qui peut écrire dans Colère noire : « Ne crois qu’à la poésie, si tu vois ce que je veux dire. Elle n’a pas de contraire. Tu ne peux pas te tromper, c’est tout droit ».
Ce soir encore, à 20h00, à la Maison des Arts de Créteil. Durée : 1h20. Tél : 01 45 13 19 19. www.maccreteil.com
Reprise aux Plateaux Sauvages, du 29 novembre au 11 décembre.