Elle avait monté elle-même certains des « Dialogues de Bêtes » de Colette, avec le dessinateur Cyrille Meyer. Aujourd’hui, Elisabeth Chailloux signe un spectacle qui doit l’essentiel au charme et à l’intelligence des deux interprètes.
Pour les lecteurs de Colette, Kiki-la-Doucette et Toby-Chien sont aussi connus que Claudine, Sido ou Bel-Gazou. Des proches et des personnages à part entière.
Interprète très nuancée, fine, aigüe, Lara Suyeux avait elle-même monté un spectacle inspiré des Dialogues de bêtes. Elle avait fait appel à l’un de ses amis, dessinateur très doué, sensible et délicat, Cyrille Meyer. Le cœur du spectacle est là. L’essentiel du spectacle que l’on peut voir aujourd’hui au Lucernaire, tient à ce duo d’intelligence et de tact. Comme les pages d’un livre dont on découvrirait au fur et à mesure les chapitres, les illustrations, Cyrille Meyer dessine et colore en direct, nous tenant en haleine car il se plaît à nous laisser imaginer, avant de donner toute sa spécificité à son œuvre. Une touche là, un trait ici, telle bouffée de couleur encore…et soudain on est devant la maison et l’escalier peut nous y mener.
L’autre formidable bonheur est de voir Lara Suyeux, la grande Lara Suyeux, talentueuse et idéale dans des registres très différents, s’amuser à être Kiki-la-Doucette, sacrée coquine, calculatrice et séductrice, s’amuser également à être Toby-Chien, moins finaud, mais tout aussi irrésistible. Ils sont rarement seuls : ils attendent leur maîtresse, leur maître. Ils les observent. Rien ne leur échappe.
Colette, elle aussi, s’amuse. Glisse quelques perfidies à l’endroit de certains « deux pattes » de sa connaissance. Et dit, en toute sincérité et intelligence, sa familiarité profonde avec Kiki, Toby et leurs amis.
La production est jolie : costumes de Sophie Schaal, scénographie et régie de Simon Desplebin, lumières d’Olivier Oudiou, son Xavier Jacquot. De la fluidité dans les déplacements de l’interprète principale, élégante et drôle. Dans les premiers « chapitres ». A la fin, on change de ton !
Cyrille Meyer, assis derrière une petite table installée à côté de l’écran sur lequel s’inscrit le dessin, n’est pas vraiment mis en scène. On le regrette. Ce n’est pas son départ abrupt qui peut suffire ! C’est vraiment dommage. Il aurait fallu trouver un moyen de mieux l’intégrer car cet harmonieux gaucher possède une présence forte.
Le dernier texte, Toby-Chien parle a été publié dans Les Vrilles de la vigne. Toby raconte. Il raconte une grosse révolte de sa chère maîtresse. De « Elle ». « J’en ai assez ! s’écria-t-Elle. Je veux…je veux…je veux faire ce que je veux ! » La comédienne ébouriffe sa chevelure en direct. Place au discours revendicatif d’une femme qui veut sa liberté. Comme le voulut Colette. La fantaisie des Dialogues de bêtes, glisse du côté de la véhémence tragique. Lara Suyeux excelle aussi dans ce registre.
Lucernaire, salle du Paradis, à 19h00 du mardi au samedi, 15h30 le dimanche. Durée : 1h15. Tél : 01 45 44 57 34. www.lucernaire.fr Jusqu’au 12 janvier 2025.