Aussi ravissante et élégante que sensible et intelligente, la comédienne reprend chaque lundi « Le Journal d’une femme de chambre » au Poche-Montparnasse et incarne une accusée dans « Femmes en colère » à la Pépinière.
On la connaît et on l’admire depuis longtemps. Vive, électrique, irrésistible, toujours très juvénile et très sensuelle, on l’avait applaudie il y a bien des années avant même de savoir que cette grâce merveilleuse, cette magistrale tenue sur un plateau, traduisait des années de discipline. Lisa Martino, avant de jouer dans de très beaux spectacles d’André Engel, avait suivi les cours de danse. Petit rat à l’Opéra de Paris. Pas de meilleure formation, pas de plus difficile chemin.
On se souvient d’elle dans Léonce et Léna, dans Le Jugement dernier, dans Le Roi Lear qu’incarnait Michel Piccoli, en 2006. Trois mises en scène d’André Engel. Mais depuis on a vu souvent Lisa Martino dans des registres très différents. Elle excelle dans la comédie et a souvent fait partie de pièces distrayantes montées par José Paul. Mais elle a passé plusieurs saisons à accompagner Michel Bouquet et Juliette Carré dans Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco, mise en scène de Georges Werler. Elle a également travaillé avec Pierre Cassignard, Hervé Icovic et bien sûr Nicolas Briançon : deux fois Jacques et son maître, en 2019 et 2021, un Sacha Guitry délicieux, N’écoutez pas mesdames !, et très récemment, à la Huchette, Le Journal d’une femme de chambre d’Octave Mirbeau. Une version sans effacement des éléments dérangeants, telles les bouffées antisémites de l’époque. Une version puissante, mise en scène avec franchise par Nicolas Briançon et interprétée avec une intelligence et une émotion bouleversantes par Lisa Martino.
Ce spectacle a été le dernier choix de Philippe Tesson comme directeur du Poche-Montparnasse avec sa fille, la metteuse en scène et comédienne, Stéphanie Tesson. Il a voulu que ce moment fort et très touchant soit repris, chaque lundi soir, au Poche.
Nous avons revu ce spectacle qui nous avait passionné lors de sa création à la Huchette, il y a quelques mois. Dans la salle du bas, dans une troublante proximité avec l’interprète, il s’inscrit à merveille et on a le sentiment d’une telle intériorisation de l’histoire de Célestine, que l’on est fasciné par la présence si vraie, si harmonieuse, si évidente de Lisa Martino. Incarnation est un mot qui semble s’imposer, ici. Or, Lisa Martino s’exprime aussi comme une musicienne. Elle fait un sort à chaque note, elle est d’une éblouissante précision et, en même temps, elle donne le sentiment d’une authenticité bouleversante. On peut saisir son regard, la moindre de ses intonations, les vibrations du corps, du cœur, de l’âme de Célestine.
Elle n’est pas un ange. Le personnage que joue, la semaine durant, Lisa Martino dans Femmes en colère de Mathieu Menegaux, d’après son roman, une adaptation cosignée par Pierre-Alain Leleu, non plus. Le spectacle se donne à la Pépinière dans une mise en scène sobre, répondant de la sobriété même de la pièce, par Stéphane Hillel. Cette sobriété soutient le propos, peu vraisemblable, du livre. Le titre est un clin d’œil à Douze hommes en colère. On est en effet dans un tribunal, lors de la délibération du jury. Ici, il y a trois magistrats et six jurés.
Alignés en un arrondi tourné vers le public, chacun va s’exprimer et se dévoiler, au fur et à mesure. Hors de ce demi-cercle, se tient l’accusée. Bien entendu, elle n’assiste pas à cette délibération, elle est ailleurs. Mais la mise en scène ne sépare les deux espaces que par la lumière, et cela rend l’attente de la criminelle encore plus âpre.
Les personnages sont un peu schématiques, mais bien portés par les comédiennes et les comédiens réunis. On citera simplement leurs noms : Sophie Artur, Nathalie Boutefeu, Gilles Kneusé, Clément Koch, Magali Lange, Fabrice de La Villehervé, Hugo Lebreton, Béatrice Michel, Aude Thirion.
Et donc, cheveux tirés en arrière, Lisa Martino, cette docteure gynécologue, chirurgienne qui saura d’une main sûre se venger atrocement de deux hommes rencontrés un soir pour une séance érotique qui a tourné au cauchemar. Tout cela est complètement invraisemblable et frôle le Grand Guignol, mais on est happé par le jeu sincère et délicat d’une interprète formidable !
« Le Journal d’une femme de chambre », Théâtre de Poche-Montparnasse, lundi, 21h00, salle du bas. Durée : 1h1O. Tél : 01 45 44 50 21.
« Femmes en colère », Pépinière, du mardi au samedi à 21h00. Durée : 1h30. Tél : 01 42 61 44 16.