Molière à la régalade

Une version enlevée de « L’Ecole des femmes » interprétée par trois comédiens seulement sous la houlette blagueuse d’Anthony Magnier.

On prend les paris : lorsqu’à la fin du spectacle à l’affiche du Théâtre Noir du Lucernaire, vous applaudirez trois comédiens, vous vous direz : mais où sont passés ceux qui jouent Georgette et Alain, les serviteurs d’Arnolphe, et geoliers paresseux d’Agnès ?

C’est qu’en fait, il n’y a pas de comédiens pour les incarner ! Ce sont ceux qui jouent et Horace l’amoureux, et Agnès que l’amour éveille, qui les interprètent, sous des masques de commedia dell’arte.  

Agnès est comme une danseuse automate miniature, mais aussi une coquine …Photographie Compagnie Viva. DR.

On n’y voit que du feu, tant les changements sont rapides, tant le registre de jeu demandé par le metteur en scène Anthony Magnier est différent.

Ce n’est pas la fidélité rigoureuse et sobre qui caractérise cet artiste qui est en résidence à Versailles, à l’initiative de François de Mazières, le maire mais d’abord pour nous le créateur du « mois Molière » et l’homme soucieux de permettre à de jeunes talents de grandir.

Magnier est un joyeux : il ne craint pas la farce, même s’il prend grand soin de préserver la gravité des situations, la cruauté des personnages ou leurs folies.

Dans un décor de maison miniature, fermée parfois par un rideau non opaque, un décor de tréteaux en quelque sorte, signé Brock et animé des lumières de Charly Hové, des costumes de Mélisande de Serres, de la musique de Mathias Castagne. Une très bonne équipe artistique.

Sous leurs masques, les comédiens changent de personnages. Crédit photo : Compagnie Viva. DR.

Tout tient au jeu. L’Agnès que nous avons vue, une poupée mécanique, parfois, selon le metteur en scène mais également une fille de music-hall ou de boîte délétère –il y a une bizarre scène érotique que les jeunes adolescents ne comprennent pas. Et nous non plus…- était jouée ce jour-là par Agathe Boudrières. Elle est une jolie fille, avec beaucoup de caractère, une silhouette de danseuse, un visage très expressif, une voix très bien placée et beaucoup de charme. Elle sait se transformer pour l’acide et très énervée Georgette !

Quant à Horace, ce soir-là, c’est Victorien Robert qui lui donnait sa fougue et son esprit. Il est excellent, léger, séduisant, très drôle. Et franchement, dans la partition d’Alain, il est étonnant.  

Les amoureux sont seuls au monde. Compagnie Viva. DR.

Arnolphe n’est porté que par un seul acteur : Mikael Fasulo. Une grande maîtrise du jeu, des nuances : on le trouve odieux cet Arnolphe, on est gêné par le fait qu’il a calculé et mis en prison cette petite fille, c’est un ogre, un méchant homme, un analphabète du sentiment. Mais justement ! Il ne sait rien. Il est odieux et pitoyable. Une interprétation de grande maîtrise et de profonde originalité, en même temps.

Ici, on rit avant d’être bouleversé ou scandalisé…. On rit. C’est du Molière à la sauce Magnier, qui sait ce qu’il fait ! Si vous n’êtes pas trop rigide, vous serez heureux. 

Lucernaire, Théâtre Noir, du mardi au samedi à 20h00, le dimanche à 17h00. Durée : 1h30. Jusqu’au 29 mai.

Les autres comédiens sont : Matthieu Hornuss et Eva Dumont.

Tél : 01 45 44 57 34.

www.lucernaire.fr


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