Grande figure du théâtre, elle avait créé Nanterre-Amandiers avec Pierre Debauche et cofondé et dirigé les Francophonies de Limoges. Elle s’est éteinte mardi. Elle avait 88 ans.
Une grande femme pour le théâtre, pour la Francophonie, pour l’Afrique, notamment. Pour le Congo, en particulier. Sans Monique Blin, discrète, souriante, mais toujours déterminée dans son combat pour l’art dramatique, certains écrivains que l’on connaît aujourd’hui comme des frères, auraient sans doute mis plus de temps à rayonner. On pense à Sony Labou Tansi, notamment. Mais Monique Blin fut la maman de cœur de dizaines d’écrivains, et pas seulement sur le continent africain, mais aussi en Amérique du Nord, Québec, bien sûr, et dans la Caraïbe. Elle avait également contribué à faire connaître les jeunes auteurs libanais.
Cette femme de tête et de cœur, pas très grande de taille mais immense dans son action, s’est éteinte mardi 25 janvier. Elle avait 88 ans. Sa fille, elle aussi consubstantielle au monde du théâtre, Véronique Saavedra, a annoncé sa disparition : « « Ma mère, Monique Blin, s’en est allée cette nuit vers d’autres rivages, d’autres découvertes…. Je partageais avec elle cette même passion du théâtre, des différentes formes théâtrales, de la découverte d’écritures nouvelles… Et voilà, c’est fini… Merci de vous souvenir d’elle, de penser à elle… ».
Arnaud Blin, son fils, réalisateur, a lui aussi écrit un très bel hommage à sa mère, née fin 1933 : « Monique, c’est l’histoire d’une enfant qui, alors qu’elle accompagne son père, notaire de la famille Bouglione, au cirque d’Hiver, découvre le monde du spectacle. Un monde qui te fascine et qui, des années plus tard, t’amène à suivre l’Université du théâtre des Nations, puis à t‘engager dans la grande et belle histoire du théâtre décentralisé. » (à lire en entier sur Facebook)
Ainsi Monique Blin avait-elle toujours aimé l’atmosphère du spectacle vivant et suivi les cours de l’Université du Théâtre des Nations, avant de participer, dès les années soixante, à ce qui deviendrait la fameuse institution de Nanterre-Amandiers. D’un festival sous chapiteau, à la création, au milieu des collines artificielles de la terre du trou des Halles, d’un bâtiment aujourd’hui en pleine rénovation-reconstruction, il fallut beaucoup se battre. A partir de 1965, avec le merveilleux Pierre Debauche, poète et metteur en scène, elle va travailler avec une énergie sans faille. Elle demeure plus de dix-sept ans auprès de Debauche et ensuite auprès de Raoul Sangla. A partir de 69, elle est non seulement l’adjointe de direction de Pierre Debauche, mais elle est chargée de la programmation. Son goût de la découverte, son sens de ce théâtre « élitaire pour tous », pour reprendre la formule qu’Antoine Vitez avait forgée pour Chaillot, font merveille. Elle soutient des jeunes, des metteurs en scène exigeants. Monique Blin et Pierre Debauche, comme Raoul Sangla, ce sont de grandes aventures artistiques que l’on ne doit pas oublier. Aussi Monique Blin est-elle une pionnière essentielle et Patrice Chéreau, Catherine Tasca, Alain Crombecque ne s’y tromperont pas : prenant en mains les destinées de Nanterre-Amandiers, à l’orée des années 80, ils se réfèrent aux connaissances et au sens du rêve et des réalités de Monique Blin. Bientôt Véronique Saavedra rejoindra l’équipe.
En 1984, Monique Blin fonde, avec le cher Pierre Debauche, qui n’oublie pas qu’il est belge, le Festival International des Francophonies en Limousin. C’est ici qu’est son destin. Jusqu’en 2000, elle est la directrice de cette manifestation formidable qui a vu éclore des dizaines et des dizaines de talents. Elle crée « La Maison des auteurs », qui permet aux écrivains, dramaturges, de passer quelques mois en résidence, sans soucis matériels. Il fait bon vivre à Limoges et les tutelles, à l’échelle locale comme au niveau de l’Etat, soutiennent les Francophonies.
On ne s’en tient pas au seul texte, à Limoges. La danse et la musique ont leur place. Monique Blin est une femme de terrain. Elle voyage, mais sans frénésie. Elle rencontre les pays et les êtres avec une curiosité, une générosité toujours fertile.
Dirigée, après le départ de Monique Blin, par Marie-Agnès Sevestre, puis par Hassane Kassi Kouyaté, depuis 2019, la manifestation, toujours soutenue par le Président du Festival, Alain Van der Malière, Coordinateur du Pôle francophone, personnalité essentielle, lui aussi, perdure et continue de faire rayonner une haute idée de la création et des artistes.
On n’en finirait pas de citer tous ceux et celles, qu’ensuite, elle a aidés. La retraite n’avait pas de sens pour une femme comme elle. A peine a-t-elle quitté la direction des Francophonies, qu’elle crée l’association « Ecritures vagabondes » qu’elle anime jusqu’en 2005. La mission assignée à l’association est de promouvoir les échanges Nord-Sud, d’organiser des résidences. C’est toujours vers l’Afrique qu’elle se tourne principalement avec le Togo, le Mali, le Cameroun, la Guinée Conakry, le Bénin, le Maroc, et le Moyen-Orient avec la Syrie et le Liban. Les Ecritures vagabondes trouvent des relais dans le réseau des centres dramatiques, auprès de Jean-Claude Berutti, François Rancillac, Claude Yersin et Dominique Besnehard. Beaucoup d’autres.
Elle veillait. Elle s’engageait. Elle défendait. Elle était Officier du Mérite, Chevalier des Arts et Lettres, médaille Beaumarchais de la SACD, entre autres distinctions. Des honneurs qu’elle méritait hautement. Mais elle préférait l’action, elle préférait lier, relier, tracer des routes. Le site des Francophonies cite, comme ses enfants de plume, Sony Labou Tansi, Robert Lepage, Michel-Marc Bouchaud, Wajdi Mouawad, Gao Xing Yiang, WereWere Liking, Souleymane Koly.
C’est lundi 31 janvier que l’on rendra un ultime hommage à cette femme aussi modeste, timide parfois, que chaleureuse et rayonnante. La cérémonie religieuse aura lieu à 10h30, en l’église Sainte-Rosalie, 50 boulevard Auguste-Blanqui, 75013.