Dans son nouveau spectacle, L’Animal imaginaire, on reconnaît d’anciens textes, des images légèrement transformées. Mais certains comédiens, à commencer par Agnès Sourdillon et Manuel Le Lièvre subliment magistralement son écriture.
Trois heures sans entracte, c’est présomptueux. C’est tout ignorer de la vie quotidienne de ceux qui fréquentent les théâtres, y consacrent leurs soirées, paient leurs billets, achètent des livres, parfois. Trois heures sans entracte lorsque l’on signe le texte, les peintures du décor, la mise en scène, c’est avouer que l’on a une très haute idée de soi-même.
Trois heures sans entracte cela impressionne et peut même rebuter. Valère Novarina se prive ainsi d’un renouvellement de son public. « Je n’ai pas eu le temps de faire court ». On connaît la belle formule. Mais lui ne veut pas renoncer à la moindre miette et c’est dommage. Dans un resserrement accessible, ses inventions langagières et de jeu auraient plus de force et un nouveau public viendrait à lui.
Il réunit neuf comédiens interprètes et deux musiciens, Christian Paccoud à l’accordéon, qui est intégré à la trame entière du « spectacle » et Mathias Lévy au violon en une apparition magnifique et magistrale, puissante, inoubliable. Apparu et aussitôt disparu…
Reconnaissons que l’on devine l’affection et l’admiration de Valère Novarina pour le groupe des comédiens. Certains sont venus d’Haïti et avaient joué un merveilleux spectacle il y a quelques saisons à la Maison des Métallos. D’autres sont d’anciens habitués, des sociétaires du monde de Novarina et ils sont franchement formidables. D’autres sont plus récemment embarqués…
On comprend que l’écrivain veut que chacun ait sa part, veut que chacun soit vu au meilleur de lui-même. On est un peu au cirque, sur la piste. On est dans la performance, le dépassement de soi. Un travail épuisant pour les comédiens.
Tous apportent, par leur présence physique et leur engagement, leur intelligence, leur discipline, un souffle aux mots qui s’envolent. Saluons donc Edouard Baptiste, Julie Kpéré, Manuel Le Lièvre, Dominique Parent, Agnès Sourdillon, Nicolas Struve, René Turquois, Bedford Valès, Valérie Vinci.
Ils sont l’allégresse, l’alacrité, la folie et la précision d’acrobates en même temps. Toutes expressions essentielles pour recevoir la langue de Valère Novarina et tenter de tout comprendre…Jusqu’aux Evangiles
Valère Novarina est un poète incontestable, un esprit à part, un artiste et artisan de la langue que l’on n’a jamais cessé de louer.
Les comédiens le respectent et aiment les défis que suppose l’apprentissage de ses textes, ces flots de textes, tout en reprises et ruptures, changement de régime, ces textes qui brassent des langues françaises que l’on pourrait croire étrangères, parfois, tant il puise dans l’univers même de la langue française sans souci de temps, d’histoire ; ici, dans L’Animal imaginaire, pas de limite de temps, pas de limite d’espace.
Il est encyclopédique, comme l’était Rabelais. Il est universel, traduit dans de très nombreuses langues –il y a même eu un colloque sur cette question il y a une semaine…Il aime les listes, les prières, il est concret et spirituel.
Il est unique.
Uniques aussi, et leurs camarades ne nous en voudront pas, Agnès Sourdillon et Manuel Le Lièvre dans un morceau de bravoure incroyable et irrésistible. D’une drôlerie et d’une cocasserie qui emporte toute la salle. On leur fait un triomphe. On le ferait sans qu’un « personnage » ne demande aux spectateurs de les applaudir.
Reste que l’on s’embarque, que l’on est embarqué. Et qu’il n’est pas beaucoup de productions si étonnantes, jusque dans les redites, en cette rentrée assez plate.
Théâtre de la Colline, jusqu’au 13 octobre. A 20h30 en semaine, 15h30 le dimanche. Durée : 3h00 sans entracte. Tél : 01 44 62 52 52. Puis en tournée.
19 > 20 novembre 2019 Scène Nationale du Sud-Aquitain – Bayonne
29 > 30 novembre 2019 Théâtre Joliette – Marseille
3 décembre 2019 Théâtre Forum Meyrin – Meyrin
12 > 21 décembre 2019 Théâtre National Populaire – Villeurbanne
9 > 10 janvier 2020 La Coupole – Saint-Louis
14 > 15 janvier 2020 Théâtre Molière Sète – Scène nationale archipel de Thau – Sète
18 avril 2020 MITEM – Budapest