Scénographe très inspiré, il a accompagné des dizaines de metteurs en scène et participé à plusieurs centaines de spectacles. Il s’est éteint hier, vaincu par la maladie. Il aurait eu 70 ans l’an prochain. Sa famille et ses amis lui diront adieu le mardi 10 octobre à 13h30 au Crématorium du Père-Lachaise.
Il était au Théâtre Sarah-Bernhardt le jour de l’inauguration, le 9 septembre dernier. Discret, comme toujours, il écoutait Emmanuel Demarcy-Mota présenter le bâtiment à une poignée de visiteurs, baignés dans la vive lumière de ce jour de fin d’été. Discret, oui, Yves Collet. Presque timide. Silhouette inchangée depuis des années. Pas très grand, tignasse devenue grise au fil du temps, regard vif derrière ses lunettes de myope. Il était un Arlequin qui savait tout faire dans un théâtre et qui appuyait toujours ses inventions scénographiques sur une connaissance profonde des œuvres.
En un chemin long et très fertile, il aura été l’artiste-compagnon essentiel de grands metteurs en scène. Il avait le sens de la beauté. La scène devait être le lieu des miracles, des apparitions. Il pensait aux poètes, aux écrivains, aux metteurs en scène dont il partageait le travail, il pensait également aux interprètes. Les comédiens étaient heureux dans ses espaces.
Il avait un sens lumineux des volumes. Un architecte saisissant. Avec lui, le décor, les lumières, parfois les costumes, portaient littéralement les interprètes et les rêves de ses camarades metteurs en scène. Il n’aura travaillé qu’auprès de fortes personnalités, à commencer par son frère Patrick. A La Rochelle, il avait fondé le Théâtre de l’Utopie, à l’orée des années 80 et les premiers travaux d’Yves Collet sont attachés à ce frère. Marivaux, Tennessee Williams, Maïakovski, Victor Hugo, Beckett, ils travaillent beaucoup ensemble et au début, si l’on se souvient bien, Patrick Collet s’investit aussi dans les décors. Et, un peu plus tard, Yves Collet, lui, signera à son tour des mises en scène. Ainsi, en 1987, avec Arlette Bonnard et Alain Enjary, auprès desquels il chemine quelques années. Il met en scène Pas et Comédie de Samuel Beckett, au Théâtre de la Tempête, à la Cartoucherie où les créations du Théâtre de l’Utopie ont plusieurs fois été accueillies.
On ne peut suivre pas à pas toutes les scénographies d’Yves Collet. Notons, en 1994, au Centre Culturel Suisse, le François d’Assise de Joseph Delteil, signé Adel Akim et interprété par Robert Bouvier. C’est le début d’un long compagnonnage partagé également avec Elisabeth Chailloux, à Ivry, évidemment. Entretemps, il a rencontré Claude Buchwald qui met en scène Le Repas d’après Valère Novarina, en 1996 puis, en 99, L’Opérette imaginaire puis Brigitte Jaques-Wajeman et ses Corneille, notamment.
On n’oublie pas, merveilleux, L’Enfant éléphant de Richard Demarcy, d’après Kipling. Il y a des années, en 1998, mais cela reste frais dans les mémoires. Et puis, l’année suivante, Peine d’amour perdue (au singulier, selon la traduction), par un tout jeune et brillant metteur en scène : Emmanuel Demarcy-Mota. Depuis, Yves Collet n’aura jamais quitté les aventures de celui qui dirige et le Théâtre Sarah-Bernhardt et le Festival d’Automne, ne s’éloignant que pour l’imaginatif Léonard Matton ou Elisabeth Chailloux, entre autres.
Nous ne donnerons pas ici la liste de tous ces spectacles magnifiés par l’art d’Yves Collet. Il sculptait les espaces de lumières raffinées, ce que fait souvent Demarcy-Mota lui-même. C’est le même esprit. La même école.
L’hommage d’Emmanuel Demarcy-Mota
De la Compagnie Théâtre des Millefontaines jusqu’au Théâtre de
la Ville, il aura imaginé à nos côtés les scénographies et éclairages
de plus de 30 créations en 26 ans. Au centre Dramatique de Reims,
il a apporté de la couleur aux espaces publics et a été en première
ligne, à mes côtés, pour l’invention de l’Atelier, nouvelle salle rêvée
à partir d’un entrepôt délabré. À l’Espace Cardin, il a réalisé la
transformation des espaces publics et dessiné les 2 scènes exté-
rieures, celle du Marronnier et celle des Ambassadeurs. Dans le
même temps, il a participé à la réflexion pour la réinvention du
Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt.
Son sourire, sa présence malicieuse, sa créativité et l’exigence de
son regard ont rendu possible tout ce que nous avons réalisé du-
rant toutes ces années.
Au-delà du lien indéfectible qui nous réunissait, sa vie d’art et
de théâtre a été marquée par d’autres grandes fidélités, d’autres
belles aventures, avec Adel Hakim, Élisabeth Chailloux, Cathe-
rine Dasté, Claude Buchvald, Brigitte Jaques-Wajeman, Richard
Demarcy, Philippe Lanton, Jean Pierre Garnier et tant d’autres.
En 2001, il a reçu pour Six personnages en quête d’auteur, le prix
de la meilleure scénographie et des lumières par le Syndicat na-
tional de la critique.
Dans des espaces souvent très différents, selon les styles ou les
esthétiques des créations auxquelles il participait, il demeurait
toujours d’une grande vigilance quant à l’élégance générale des
décors, leurs effets de perspective, la qualité des matières utili-
sées. Il l’était tout autant quant aux lumières qui les éclaireraient
et dont il était passé maître. Parcourant sans cesse la scène, il
aimait à regarder les acteurs, échanger avec eux et faire de la lu-
mière, toujours, un partenaire de l’interprète.
Toutes nos pensées vont à sa fille Yona Collet, à sa famille, ainsi
qu’à Natalia Tychinskaia.