Dans « Augures », la metteuse en scène Chrystèle Khodr réunit pour la première fois deux grandes comédiennes, comme elle libanaises, Hanane Hajj Ali et Randa Asmar.
Dès que l’on avait vu annoncé le spectacle Augures, on avait été heureux en imaginant revoir Hanane Hajj Ali, l’extraordinaire auteurs et comédienne de Jogging, solo découvert dans le cadre du dernier festival d’Avignon « in », en juillet 2022.
Le temps a passé, le temps a filé et l’on s’est réveillé bien tard pour applaudir deux femmes magnifiques, sous la houlette d’une autre femme de théâtre, tout aussi talentueuse, Chrystèle Khodr. Elle a, pour la première fois dans leurs carrières fortes, réuni deux aînées magnifiques : Randa Asmar, l’une des interprètes du film Cerf-Volant, de Randa Chahal Sabba, Lion d’or à Venise en 2004, et Hanane Hajj Ali.
En commun le Liban, sa haute histoire, sa culture lumineuse, ses traditions rayonnantes, mais aussi ces années de guerre et de catastrophes, depuis les années 70. En commun la passion du théâtre, du partage, de la transmission. Et puis l’intelligence, le courage, l’esprit.
Sur le plateau nu de la salle Christian-Bourgois, elles n’auront besoin que de deux chaises pour nous happer, captiver notre attention, bouleverser nos cœurs et nous éclairer. L’une est grande, pulpeuse, en robe souple, grège, c’est Randa Asmar, l’autre possède une silhouette d’Arlequin très féminin, jupe-culotte et cheveux retenus sous un turban. Elles sont belles et irradient charme et énergie malicieuse.
Toutes deux ont grandi dans le Liban d’avant la guerre, mais qui était tout de même bien secoué. Et puis vint 1975. Et la coupure entre Beyrouth est et Beyrouth ouest, la coupure même des sections de l’Institut des Beaux-Arts (séparation qui dure toujours…).
Il y a un côté documentaire, ici, puisque Chrystèle Khodr a construit le spectacle en faisant des recherches, en plus des témoignages des deux interprètes. Mais tout flambe en une forme fluide et passionnée qui permet à chacune, à travers sa vie, les rapports avec le père, les rencontres déterminantes, les aléas des « carrières », les engagements et les gestes d’activistes de l’art, de se raconter et de raconter leur pays, leur patrie.
C’est un moment admirable. Aussi simple que puissant. Qui bouleverse et fait rire, aussi ! Créé en mai 2021 à Beyrouth, Augures se donne en français et en arabe, avec de très bons surtitres. Le spectacle a été présenté dans plusieurs festivals depuis. Hortense Archambault, qui dirige la MC93 de Bobigny, les accueille et c’est formidable. A Bobigny s’épanouit l’une des meilleures programmation d’Europe.
Dernière représentation aujourd’hui à 19h30 à la MC93 de Bobigny. Durée : 1h20. Réservations au 01 41 60 72 72. Le 3 mai à l’Espace Bernard-Marie Koltès de Metz, dans le cadre du Festival Passages.