Birgit Ensemble : un polar politque

Avec « Roman national », Jade Herbulot et Julie Bertin creusent leur sillon d’histoire de France. La présence tangible des fantômes donne une force paradoxale à ce récit mené par d’excellents interprètes.

Il s’agit de politique. De projets et d’ambitions qui sont ici exprimées par des hommes et des femmes, avec leurs personnalités, leurs convictions, leurs projets, leurs sincérités. Leurs équipes et leurs tactiques. 

Photo Vincent Gosselin. Vidéo de Pierre Nouvel.
En mouvement…Photo de Simon Gosselin. DR.

Les deux belles personnes, artistes sensibles et engagées, que sont Julie Bertin et Jade Herbulot, ne dévient en rien de l’essence de ce « Birgit Ensemble » que l’on a vu naître au conservatoire il y a des années et que l’on a suivi. Parfois sévèrement. Aussi généreuses soient leurs ambitions civiques, d’un théâtre qui s’inscrit, à nos yeux, dans le droit fil d’un Bertolt Brecht, il est arrivé que le théâtre écorche, sinon la vérité (qui pourrait y prétendre ?), du moins le sentiment que les premiers « protagonistes », les hommes, les femmes de la réalité des événements, ont pu ressentir. On avait vu, avec leur tentative d’investigation sur la guerre d’Algérie et ses effets et ses conséquences, la limite d’un exercice extrêmement risqué, qui blessait toute loyauté sur les événements, aussi odieux soient-ils parfois.

Avec Roman National (elles mettent un s : « Roman (s) National »), les deux artistes, qui ont écrit cette pièce bien avant que l’on se retrouve dans l’exact moment d’une élection présidentielle, arrachent l’intrigue à toute tentation de comparaison puisqu’elles introduisent des fantômes. Des fantômes, des refoulés mal traités qui font retour et demandent réparation.

Cette irruption du fantastique, métaphorisation des peurs induites par les crimes anciens et les faiblesses morales, oxygène littéralement la représentation. Cela n’apporte pas que des courants d’air, mais des bouffées d’air, tout simplement et de l’humour, des sourires et des rires. Malgré les situations que l’on peut prendre très au sérieux et qui sont angoissantes. Le Birgit Ensemble ne renonce en rien à ses convictions, à sa férocité, à son goût de la critique acérée, sociétale et politique.

Photo de groupe avec crâne….Photo Simon Gosselin DR

Julie Bertin et Jade Herbulot ont réuni une distribution forte, talentueuse. Sous le regard d’une jeune réalisatrice, Moïra, la fine Anna Fournier, à qui l’on a demandé de filmer les dix jours qui séparent le petit monde d’un candidat à la magistrature suprême –après la mort du prédécesseur- on fait connaissance avec Paul Chazelle, Maire de Châteauroux, en lice pour le deuxième tour. Pierre Duprat est idéal. Surveillé par son épouse, Madeleine, talons et petits tailleurs, convaincante Morgane Nairaud, entouré d’une équipe serrée, il n’a qu’une marge de travail très étroite ! Il ne s’appartient pas. Il y a Jeanne, en charge de la sécurité, Marie Sambourg, autorité naturelle, belle voix, Frédérique, plume lucide, Pauline Deshons, très sensible ; dans la partition de la cheffe du parti, Ava, Eléonore Arnaud, jeu nuancé, et les hommes de l’entourage, Solal, Antonin Fadinard, l’ami protecteur qui a parfois du mal à suivre, Emile, Lazare Herson-Macarel, le scrupuleux informaticien,  Balthasar, le beau gosse désinvolte, cousin goguenard, parfois, Loïc Riewer.

Voilà pour le groupe. Ils sont vifs, ils donnent le sentiment d’une joie à défendre leurs personnages et le projet. Ne disons pas plus : les fantômes ont des revendications, sont le signe de crimes anciens. Nous ne devons pas « divulgâcher » l’intrigue, car il y a dans ce « roman », justement beaucoup de romanesque et si les mensonges de l’histoire refont surface, c’est avec des effets dignes d’un polar.

Théâtre de la Tempête, du mardi au samedi à 20h00, dimanche à 16h00. Durée : 2h20. Jusqu’au 27 mars.

Tél : 01 43 28 36 36

www.la-tempête.fr