Session de rattrapage, 1

Entre les articles écrits pour « Le Quotidien du Médecin », pour « L’Avant-scène théâtre » ou commentés au « Masque et la Plume », nous avons apparemment négligé un certain nombre de spectacles dans ce « journal ». Voici une revue rapide.

Au Rive-Gauche :

« Le Visiteur »

Après sa rêverie à propos de Dom Juan, La Nuit de Valognes, pièce qui le fit connaître, Eric-Emmanuel Schmitt s’est intéressé à Sigmund Freud. Dans Le Visiteur, on est à Vienne, en avril 1938. Les nazis ont déjà envahi l’Autriche, mais le psychanalyste ne se sent pas menacé. Sauf que, ce soir-là, la gestapo arrête sa fille Anna. Il est obligé de voir la vérité en face…Mais voici l’étrange « visiteur ». Qui est-il ? Qu’attend-il du savant ? La pièce, créée en 1993, est très intéressante. Souvent reprise, elle n’a pas pris une ride dans cette nouvelle production mise en scène par Johanna Boyé. Sam Karmann est méconnaissable, sous la barbe blanche de Freud. Mais il fait bien plus que composer. Il déploie ici, avec tact, intelligence, profondeur, son art du jeu et du partage. Katia Ghanty est Anna, sobre et sensible. Et ce virtuose de Franck Desmedt est le magnétique et inquiétant « visiteur ». Une très bonne production.

A 21h00 du mardi au samedi, dimanche 15h00. Tél : 01 43 35 32 31. Durée : 1h40.

« Le Petit coiffeur »

Jean-Philippe Daguerre a un très joli sens du théâtre. Il ne craint pas de s’éloigner du prosaïque vraisemblable, pour écrire des pièces qui ont à voir avec les contes et ce jusqu’au fantastique. On est à Chartres en 1944. Dans une période très violente, une période de vengeance terrible. Des photographies ont fait connaître ces scènes terribles de femmes rasées car elles étaient soupçonnées d’avoir fréquenté des Allemands. Des jours et des nuits à Chartres du romancier suédois Henning Mankell (1948-2015), évoquait la même période. Daniel Benoin l’avait mise en scène dès 2009-2010, et la pièce a été en tournée à Paris, en France et à l’étranger. Daguerre est plus sentimental, mais la cruauté de la situation n’est en rien amoindrie. C’est bien joué, par près d’une douzaine d’interprètes. Le public, qui avait adoré Adieu Monsieur Haffmann (aujourd’hui à l’affiche du Tristan-Bernard) est au rendez-vous, heureux et ému.

A 19h00 du mardi au samedi, dimanche 17h30. Tél : 01 43 35 32 31. Durée : 1h20.

Au Théâtre de la Porte Saint-Martin :

« Qu’est-il arrivé à Bette Davis et Joan Crawford ? »

Qui refuserait cette alliance au sommet ? Amanda Lear et Michel Fau ! La pièce avait été écrite par Jean Marbeuf pour sa fille Julie. C’était en 2008. Pas question de travestissement, d’ironie, mais la violence exagératrice qui explose dans le film de Robert Aldrich Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? Un long film, plus de deux heures, datant de 1962 et réunissant deux monstres d’Hollywood, Bette Davis et Joan Crawford. Les équipes artistiques et techniques du long métrage eurent tôt fait de distiller les disputes, jalousies, coups tordus échangés par les deux stars… Le film donne la chair de poule, tant la haine imaginaire et réelle, sidère. Evidemment, Michel Fau, travesti, et Amanda Lear, sous une perruque brune, respectivement Bette Davis et Joan Crawford, s’en donnent à cœur-joie. Le dispositif scénique, sur le grand plateau du Théâtre de la Porte-Saint-Martin, est un peu rigide : un grand escalier central et les loges de ces dames.  A cour, Crawford, à jardin, Davis. Elles ne se déplacent pas beaucoup : évidemment, il s’agit d’un échange épistolaire. Mais l’on regrette de ne pas les voir s’affronter de plus près ! Se crêper le chignon vraiment ! Amanda Lear, avec la distance et le sérieux qu’elle met en tout, Michel Fau avec sa poésie friable, sa mélancolie, donnent à la représentation, par-delà le rire, un supplément d’émotion qui peut bouleverser.

A 20h00, dimanche, lundi, mardi. Tél : 01 42 08 00 32. Durée : 1h15.